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Ces Français sous uniforme allemand qui ont écumé le Gard en 1944
MATHIEU BANQ Midi Libre 07/05/2013
Les membres de la 8e compagnie posant à Pont. À côté des officiers allemands, la plupart des hommes sont, eux, français.
(D.R)
La mémoire est floue, et aujourd’hui, peu de gens se rappellent des
soldats de la Wehrmacht qui ont résidé à Pont-Saint-Esprit, de janvier à
août 1944. Ceux qui ont vécu à cette époque les appellent “Waffen SS” -
parce qu’ils chassaient les résistants - ou “miliciens”, parce qu’ils
parlaient couramment le français. En réalité, ils étaient des soldats de
l’armée allemande. Mais pas n’importe quels soldats : ils faisaient
partie de la division d’élite Brandebourg, ou Brandenburg.
D’abord
versée dans la reconnaissance et le renseignement, elle va vite faire de
la traque brutale des partisans sa spécialité. Pas étonnant donc
qu’elle ait eu recours à des hommes du cru, capable de se fondre parmi
la population locale. En France, ce rôle sera confié - entre autres - à
la 8e compagnie du 3e régiment de la division.
Des voyous, des bourgeois, des prolos, des étrangers
C’est l’histoire de ces hommes que raconte dans son ouvrage Sanglante randonnée, le journaliste et historien Olivier Pigoreau. Depuis la formation de l’unité jusqu’à sa fuite en Allemagne après la Libération. Un conglomérat de nazis français ? Oui, mais pas seulement : s’il y a eu des idéologues et des militants collaborationnistes au sein du régiment, ils étaient accompagnés d’une populace héteroclyte. On trouve dans la 8e compagnie de la Brandenburg des petites frappes marseillaises, des petits bourgeois bordelais, des ouvriers parisiens, des anciens de la Légion, des volontaires français revenus du front russe, d’anciens résistants ayant tourné casaque pour sauver leur peau et même quelques Italiens et Espagnols, vétérans de la division Azul…
Ils volent, pillent, tuent, pour un oui ou pour un non
À côté de ceux acquis à l’idéologie nazie, certains sont là pour échapper au STO (Service du travail obligatoire), parce qu’ils doivent un service au Parti populaire français de Doriot, ou pour se faire de l’argent, tout simplement. Ce qui ne va pas les empêcher de se montrer extrêmement violents. Les hommes de la 8e compagnie pillent, volent, tabassent et exécutent pour un oui ou pour un non. Dans le petit monde des “Brandebourgeois”, une phrase déplacée vaut un passage à tabac, et un soupçon conduit à un séjour prolongé dans les geôles de la citadelle de Pont, ou du fort Vauban à Alès, où les séances de torture s’enchaînent.
Depuis Pont-Saint-Esprit et leurs autres bases de Vivier, Alès ou Villeneuve-lès-Avignon, ils vont faire la guerre aux maquis, et à tous ceux soupçonnés d’être "hostiles aux forces d’occupation".
De passage à Bagnols, ils exécutent un civil
En août 1944, après un bombardement allié, ils quittent Pont-Saint-Esprit et fuient vers l’Alsace. Non sans laisser une traînée de cadavres derrière eux. Un Bagnolais en fera les frais. Jusqu’à la fin, il ne fera pas bon croiser les “Brandebourgeois” français…
Pont, sa citadelle, son boxeur
La citadelle devient une prison
Ils établissent leur quartier général dans la citadelle, au bord du Rhône. C’est ici que les recrues seront “initiées”. Et que les suspects seront emprisonnés. Les plus chanceux sont juste secoués. Les autres sont tabassés. Plusieurs fois. Un apprenti résistant ayant changé de camp après son arrestation va même acquérir le surnom de “boxeur”. Rapport à ses méthodes lors des séances “d’interrogatoires”...
Ceux qui décèdent pendant les interrogatoires sont jetés dans le Rhône
Selon Olivier Pigoreau, 2 000 personnes vont séjourner entre les murs de la citadelle. Beaucoup seront ensuite déportées. Certains ne résisteront pas aux violences des geôliers. Alors on travestit leur mort en suicide, ou on balance les cadavres dans le Rhône.
Autre point de chute des “Brandebourgeois” : l’hôtel l’Europe du boulevard Gambetta, où ils installent leur infirmerie. Le château Welcome - la mairie - accueille les officiers, tandis que l’école des filles (l’école Jean-Jaurès) et l’école Pétain (la caserne Pépin) se transforment en terrain d’entraînement.
Ils patrouillent toutes les nuits
Certains Spiripontains se souviennent de ces soldats allemands qui parlaient français. Comme Max Santa-Maria, qui avait huit ans à l’époque : "Ils se ravitaillaient à l’épicerie de mes parents". Sans essayer d’établir des rapports avec la population : "Il y avait un couvre-feu tous les soirs pendant qu’ils patrouillaient. Tout le monde restait cloîtré chez soi, en évitant de les rencontrer".
L'article sur le site de Midi Libre
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