Capitulation de l'Allemagne nazie, massacres en Algérie : c'est ça, le 8 mai
1945 !
Nous reproduisons cette page mise en ligne en mai 2013 et déjà reprise le 9 mai 2016 sur ce blog. Nous ajoutons en fin de page des documents sur la position prise par Emmanuel Macron sur la Guerre d'Algérie pendant la campagne électorale.
Nous l'introduisons par cette vidéo où Olivier Le Cour-Grandmaison interpellait François Hollande sur les évènements de Sétif mais aussi sur la question générale du rapport politique au colonialisme français. C'était le 7 mai 2016 à Paris.
Cliquer ici
Nous reproduisons cette page mise en ligne en mai 2013 et déjà reprise le 9 mai 2016 sur ce blog. Nous ajoutons en fin de page des documents sur la position prise par Emmanuel Macron sur la Guerre d'Algérie pendant la campagne électorale.
Nous l'introduisons par cette vidéo où Olivier Le Cour-Grandmaison interpellait François Hollande sur les évènements de Sétif mais aussi sur la question générale du rapport politique au colonialisme français. C'était le 7 mai 2016 à Paris.
Cliquer ici
Massacre de milliers d'Algériens sous la colonisation française ...
Vous pouvez chercher dans
la grande presse française un article sur ce qu'il s'est passé le 8
mai 1945 à Setif... Rien ! Seul compte l'anniversaire de la
capitulation de l'Allemagne nazie. Oublié, le massacre des
Algériens. Pourtant, 9 ans plus tard, à partir de 1954, près de 2
millions d'appelés et de rappelés vont être mobilisés pendant 8
ans pour mener la guerre au peuple algérien, pendant que l'ensemble
des grands partis politiques de droite comme de gauche rejetait
l'idée même de cette indépendance. Il y a dans l'enseignement
officiel de l'histoire en France un voile jeté sur l'histoire
coloniale et ses innombrables crimes.
En 2008 Bernard Thomas écrivait dans Le Canard Enchaîné l'article que nous reproduisons ci-dessous.
Nous ne voulons pas oublier cet épisode sanglant, pour ne pas oublier les méthodes que sont toujours prêtes à utiliser les puissances coloniales et néo-coloniales pour défendre leurs intérêts économiques et politiques. na34
En 2008 Bernard Thomas écrivait dans Le Canard Enchaîné l'article que nous reproduisons ci-dessous.
Nous ne voulons pas oublier cet épisode sanglant, pour ne pas oublier les méthodes que sont toujours prêtes à utiliser les puissances coloniales et néo-coloniales pour défendre leurs intérêts économiques et politiques. na34
Que s'est-il passé en
Afghanistan et en Irak ? Que se passe-t-il en Israël ou au Mali ?
ARTICLE de Bernard THOMAS
paru dans le CANARD ENCHAÎNÉ
le 7 mai 2008
L'autre 8 mai 1945
le 7 mai 2008
L'autre 8 mai 1945
Jeudi 8 mai, fête de la Victoire. Les Alliés ont
vaincu les nazis ce jour-là en 1945. En Algérie, de l'autre côté
du bassin méditerranéen si cher à Sarkozy, qui demandait avec
énergie en février 2005 que soit inclus dans les manuels scolaires
« le rôle positif de la présence
française en Afrique du nord »,
c'est jour de deuil.
Alors que l'ONU
balbutiante venait de proclamer le « droit
des peules à disposer d'eux-mêmes ».
Dans le Constantinois, des citadins rejoignirent nombreux Ferhat
Abbas, pharmacien à Setif, sous la bannière :« L'arabe
est ma langue, l'Algérie mon pays, l'islam ma religion ».
Dans les campagnes, Messali Hadj, avec son Parti du peuple algérien,
interdit depuis 1939, était le plus populaire. Mais à Paris, de
Gaulle, à la tête du gouvernement provisoire, lançait :« Il
ne faut pas que l'Afrique du Nord nous glisse entre les doigts
pendant que nos libérons l'Europe ».
A Sétif, le 8 mai
1945. La ville est pavoisée. Le PPA a inventé un petit drapeau qui
servira de modèle pour celui de l'Algérie future. Les militants le
mêlent à celui des Alliés, et à des écriteaux :« Libérez
Messali Hadj ».
Les autorités françaises voient rouge. A un carrefour, une voiture
de la brigade mobile de la police judiciaire fonce. Quatre hommes
armés en surgissent. Ils arrachent les drapeaux, tirent, abattent u
jeune porte-étendard, devant le Café de France. La fusillade
éclate. Les manifestants s'enflamment et frappent tous les Français
qu'ils voient : au hasard le maire de Sétif, un juge de paix,
le receveur des postes de de Périgotville et son fils de 11 ans.
C'est l'embrasement : 21 européens sont massacrés. A 13
heures, la police et la gendarmerie ont repris le contrôle de la
ville. Les émeutiers se sont enfuis dans le djebel, emportant morts
et blessés : c'est le récit de la répression qui va suivre
que nous raconte avec minutie Yasmina Hadj, elle même issue de
parent nés dans le Constantinois, dans un documentaire minutieux,
étayé par de nombreux témoins et des archives des services secrets
anglais et américains, la France ayant toujours manifesté quelque
réticence sur ce sujet. L'état annonçait à l'époque 102 morts
européens, dont certains sauvagement mutilés, 1500 algériens tués.
Officièlemet, l'Algérie parle aujourd'hui de 45 000. Les
spécialistes, eux, restent divisés : entre 15 000 et 30 000.
C'est le gouverneur
Yves Chataigneau qui décrète l'état de siège. Il donne pleins
pouvoirs au Général Henri Martin, patron de l'armée en Afrique du
Nord, pour « rétablir l'ordre
d'urgence ».
La France coloniale ne lésine pas:40 000 soldats. Les villages
« rebelles »
sont bombardés. La marine de guerre pilonne les côtes. Tirs au jugé
sur ceux qu'ils nommaient « ratons »,
« pinsons »
ou « merles »,
arrestations massives. Certains demeurèrent dix-sept ans en prison
jusqu'à l'indépendance de 1962, et pas un mot dans la presse
française : on ignorait tout. Le premier journaliste à venir
sur place « déterrer cette
affaire que les Français essaient de cacher »
fut un Américain, Landrum Bolling. Un officier de renseignement
anglais, écœuré, lui livre ses archives. Il n'a qu'à recopier.
Après le 11 mai, alors que l'émeute a depuis
longtemps cessé, la répression se poursuit. A Guelma le sous-préfet
livre des camions bourrés de prisonniers à une mitrailleuse de 24,
en position au milieu d'une route. Dans les gorges de Kherrata on en
jette par grappes du haut des ponts, attachés par des barbelés.
Il
faudra attendre le 18 pour que les journaux réalisent enfin,
provoquant la venue du ministre de l'Intérieur Adrien Tixier. A
Guelma, on brûle les corps des exécutés dans des fours à chaux
pour éliminer les preuves. Les massacres sont amnistiés au nom de
la raison d’État. Nos alliés, en cette pré-guerre froide, ne
font aucun raffut : il ne faut pas gêner la France. Et le
général Duval, grand organisateur sur place des tueries, écrit à
son supérieur Martin : « Je
vous ai donné la paix pour dix ans. Si la France ne fait rien, tout
recommencera en pire ».
Gagné. A quelques mois près.
En ce 8 mai 2017...
En 2015
Olivier Le Cour Grandmaison. Le passé colonial implique au moins trois Républiques, la 3ème, la 4ème et la 5ème,
ainsi que l’ensemble des forces politiques. La droite, la SFIO et, dans
certains cas, aussi la direction du PCF dont les députés ont voté, le
12 mars 1956, les pouvoirs spéciaux demandés par le socialiste Guy
Mollet. Le retour sur ce passé colonial met à mal bien des mythologies
nationales et partisanes.
La façon dont on traite les jeunes Noirs et Arabes en France a-t-il à voir avec ce passé colonial ?
Olivier
Le Cour Grandmaison. Y compris après 45, ceux que j’appelle les
colonisés-émigrés, ont été soumis à des dispositifs répressifs
d’exception. Lors de la manifestation du 14 juillet 1953, six militants
du Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD) sont
tués par la police. En octobre 1961, les Français musulmans d’Algérie de
Paris et de la banlieue se voient imposer un couvre-feu raciste décidé
par le préfet Maurice Papon, avec l’aval du gouvernement de Michel
Debré. Les massacres qui vont suivre, les rassemblements pacifiques
organisés par le FLN, témoignent là encore du recours à des violences
extrêmes.
Quant
aux héritiers de l’immigration coloniale et post-coloniale aujourd’hui,
les jeunes des quartiers populaires plus encore, ils sont en quelque
sorte l’incarnation des classes pauvres et dangereuses du XXIème siècle,
contre lesquelles les violences policières que l’on sait sont
couramment employées. De plus, les pratiques policières dans les
quartiers populaires – contrôle au faciès réitérés, humiliations et
brutalités – tendent à établir une sorte d’état d’urgence permanent qui
ne dit pas son nom mais dont l’objectif est bien est d’assigner les
jeunes visés à leurs quartiers. Cliquer ici
Macron et la Guerre d'Algérie
Polémique. Après les
propos d'Emmanuel Macron sur la colonisation qu'il a qualifiée de «crime
contre l'humanité», l'historien Benjamin Stora réagit.
Contre toute instrumentalisation politicienne et tout coup médiatique
La question franco-algérienne nous semble mériter un travail qui conjugue intelligemment le travail des historiens et la mémoire de tous. Cela suppose du temps, des compétences, de la confiance et une volonté commune. Cela exclut toute instrumentalisation, y compris par les autorités françaises comme algériennes. Cela exclut aussi les coups médiatiques. Il y a probablement une vérité historique, mais l’intérêt réside dans les effets positifs de la démarche sur les relations entre les personnes et leurs descendants au XXIe siècle. Tiré de N’est-il pas grand temps de revenir sur l’histoire de la colonisation en Algérie ? Après les propos tenus par Emmanuel Macron. (L'Humanité du 22 février 2017)
Emmanuel Macron a déclaré à propos de la colonisation de
l’Algérie : « Sommes-nous aujourd’hui condamnés à vivre à jamais dans
l’ombre de ce traumatisme pour nos deux pays ? Il est temps de clôturer
ce deuil. Il faut pour cela avoir le courage de dire les choses et de ne
céder à aucune simplification. » En le prenant au mot, nous lui
demandons de s’adresser directement aux Français, de préciser ses
déclarations d’Alger et d’en tirer toutes les conséquences. La prochaine
commémoration du 8 mai 1945 pourrait en être l’occasion. Cliquer ici
Sur le même sujet