Opus Dei : l’intrigant ami de Robert Ménard
Rue 89 Olivier Pechter (5 juillet 2013)
Robert Ménard au Local de Serge Ayoub. Robert Ménard président d’un comité de soutien « identitaire ». Robert Ménard en campagne pour la mairie de Béziers avec le soutien du FN...
Si on pensait tout savoir des accointances extrémistes du journaliste sans frontières politiques, son passage de la FA (Fédération anarchiste) au FN (Front national) en l’espace de quelques décennies demeurait un certain mystère.
On le savait travaillé par la « mémoire algérienne ». Sa rencontre en
2000 avec Emmanuelle Duverger, une ancienne militante des droits de
l’homme (FIDH), qui deviendra sa femme, fut un tournant. Un nouvel élément de réponse apparaît peut-être aujourd’hui.
Robert Ménard lançait en octobre 2012 le site Boulevard Voltaire aux côtés, officiellement, du journaliste Dominique Jamet, et d’Emmanuelle Duverger.
Lorsqu’une tribune paraît dans Le Monde pour répondre aux critiques faites au tout nouveau média, elle est signée par ces trois mêmes personnes, montrant par là qui est censé l’incarner.
Fourmis vertes
Et pourtant, une quatrième personne a cofondé le site : Denis
Cheyrouze. Il n’apparaît jamais en tant que tel mais son implication est
totale : publiant une vingtaine de tribunes sur le site, parmi les plus
virulentes (contre les Femen, contre les musulmans) ; animant son compte Twitter ; participant à la mise en ligne des articles, et s’occupant de l’hébergement internet.
A propos des musulmans, il a écrit ce conte sur le site :
« Ailleurs, d’autres fourmis, vertes celles-ci,
restaient dominées par l’ignorance. Elles vénéraient un chef violent,
guerrier, jaloux, dont le souvenir les hantait. Des lunes et des lunes
après sa mort, elles lui restaient soumises.
Jalouses des richesses spirituelles et matérielles des petites
fourmis blanches sans en comprendre l’origine, les fourmis vertes
essayèrent de nombreuses fois de s’accaparer la fourmilière blanche. »
Au téléphone, Denis Cheyrouze refuse de répondre à nos questions :
« J’ai reçu vos questions par mail. Ça relève de la vie privée, et puis ça ne m’intéresse pas. Bon week-end. »
Il est juste le « webmestre » lâche-t-il, nous renvoyant vers Robert
Ménard, qui lui attribue alors la même fonction. « Il fait partie de
l’aventure comme bien d’autres gens », ajoute Ménard au cours d’une
première conversation.
Une figure de l’Opus Dei
En réalité, Denis Cheyrouze est bien plus que ça. Il est
vice-président de l’association éditrice du site, qui s’est donné pour
mission « d’informer et d’intervenir dans le champ de l’actualité, la
politique, la culture… », au même titre que Robert Ménard. Dominique
Jamet en est président et Emmanuelle Duverger la trésorière.
Lorsque nous le joignons à nouveau, Robert Ménard revient sur ses propos et confirme ce rôle :
« Je vais vérifier parce qu’honnêtement, je savais plus
qui était qui officiellement. Je sais [...] c’est ce petit groupe de
personnes qui a lancé Boulevard Voltaire oui, absolument. »
Pourquoi une telle discrétion ? Cheyrouze a certes une notoriété
moindre. Mais surtout, son engagement personnel est bien éloigné de la prétention initiale du site : « Etre libre de tout pouvoir ». Il s’avère en effet être une figure importante gravitant dans l’orbite de l’Opus Dei (« Œuvre de Dieu »).
« Si les gens sont francs-maçons... »
Officiellement simple « coopérateur » (sympathisant actif, mais non membre), il a déposé divers noms de domaines liés à l’Opus : OpusDeiFrance.com (blog du porte-parolat), Les-Ecoles.fr (d’une association liée à l’Opus appelée Acut, Association de culture universitaire et technique).
En tant que simple prestataire ? Sur le réseau social Google Plus,
les liens vers ces sites étaient encore visibles récemment dans sa
biographie, aux côtés d’un autre site : Chretiente.info.
Sur ce média relayant la parole de l’Œuvre, on peut le voir échanger en toute complicité avec monseigneur de Rochebrune, vicaire de l’organisation pour la France.
Et quand l’organisation s’installe en Roumanie (où il officie dans le civil), Cheyrouze est présent.
Cette complicité n’est pas anodine : l’Opus Dei est une organisation
élitiste connue pour viser hommes politiques, journalistes, dirigeants
en vue afin d’asseoir son influence...
Interrogé à ce sujet, Robert Ménard déclare apprendre l’information :
« Je ne savais pas qu’il avait des liens organiques avec
l’Opus Dei... Les choix religieux des uns et des autres, c’est leur vie
privée... Si les gens sont francs-maçons ou à l’Opus Dei, je ne leur
demande pas. Ensuite, moi, ce que je pense de l’Opus Dei, ça n’a
strictement rien à voir avec ça ».
Reste que Bvoltaire.fr a été salué dès le premier jour par le père Michel-Marie Zanotti-Sorkine, un proche de l’Œuvre.
L’Opus Dei
L’Opus Dei est une organisation de l’Eglise catholique romaine, créée
en 1928, qui collabore avec des églises locales en proposant des
« formations chrétiennes » (cours, retraites, accompagnement spirituel).
On reproche à l’organisation son caractère secret et son lobbying
auprès des instances politiques. L’Opus Dei a également été accusée
d’avoir soutenu les régimes de Franco en Espagne et de Pinochet au
Chili.
L’organisation compte aujourd’hui près de 90 000 membres répartis dans quelque 61 pays.
« Guerre à mort »
Dans la vie « civile », Cheyrouze est connu sous le nom de Denis Florent, consultant média.
Sur son blog, il analyse la montée en puissance parallèle de Skyrock et RMC (dont il a été consultant) comme une « guerre à mort » entre deux France et dénonce une France « infestée » de « bolchos ».
Pendant les débats sur le mariage gay, il a appelé à « marcher sur l’Elysée ».
A l’occasion, il se défoule aussi sur Twitter :
« Eva Joly va assister aux obsèques des paras ? J’espère
que les collègues paras sauront l’accueillir comme elle le
mérite......... »
Compte Twitter de @cheyrouze
« Coach » de Sud Radio
La rencontre entre les deux hommes remonte à l’été 2011 et s’est
faite à Sud Radio, affirme Robert Ménard. Denis « Florent » Cheyrouze a
participé à la refondation de la grille de la radio qui provoquera son
arrivée. Pour la matinale qui lui est confiée, le consultant expérimenté
sera son « coach ».
Concomitamment, Robert Ménard, alors employé d’ i>Télé, reçoit
la porte-parole de l’Opus Dei, venue défendre le mouvement alors qu’une
association liée à celui-ci, l’Acut, voit son procès commencer
(l’association sera finalement condamnée).
Robert Ménard conteste le fait d’avoir été instrumentalisé par Cheyrouze, rappelle la tournure « musclée » de l’entretien.
En février 2013, c’est en revanche assez complaisamment que Robert Ménard interroge à son tour le vicaire de l’organisation, monseigneur Antoine de Rochebrune, sur un média bien à lui cette fois-ci.
Et, passant désormais plusieurs jours par semaine en province pour sa campagne « Choisir Béziers », il a lancé un blog dédié...
avec l’aide technique de son « bon copain ». Il promet néanmoins de
confier la réalisation du site officiel à une entreprise locale.
L'article sur le site de Rue 89
A lire aussi
Béziers. Le voyage sans frontières de Robert Ménard vers le FN ...
Et enfin, le FN : comment Robert Ménard a glissé
NPA 34, NPA