Bataille autour du gaz de schiste dans la campagne anglaise
Récit Les forages
exploratoires ont commencé dans le West Sussex. Mais les opposants
mettent des bâtons dans les roues du gouvernement.
Depuis le début
du mois, le tranquille village de Balcombe, à une trentaine de
kilomètres de Londres, est le théâtre d’une bataille rangée. Cette
commune du West Sussex est devenue ces dernières semaines l’épicentre du
conflit sur l’exploitation du gaz de schiste outre-Manche. C’est là
qu’ont débuté, le 2 août, des forages d’exploration menés par la société
britannique Cuadrilla, spécialisée dans la technique hautement
controversée de la fracturation hydraulique.
David Cameron a donné son feu vert à l'extraction du gaz de schiste en décembre 2012,
avec l’accord de son camp mais aussi des travaillistes. Le Royaume-Uni
dépend aujourd'hui de l'énergie nucléaire (secteur qu'il veut
renforcer), du gaz et du charbon, et développe l'éolien offshore. Le
Premier ministre s’est lancé dans une véritable campagne pour convertir
les Britanniques au gaz de schiste, qui restent divisés et surtout peu
informés sur le sujet, si l’on en croit un sondage réalise par l’institut ICM pour le Guardian début août. 44% sont pour la fracturation sur le sol britannique, 30% sont contre, 26% sans opinion.
C’est à la destination de ce gros quart
d'indécis que David Cameron use et abuse des deux arguments des
promoteurs du gaz de schiste : la baisse de la facture d’énergie et la
création d’emplois. «Si nous n’adoptons pas cette technologie, nous
manquerons une occasion majeure d’alléger les factures des familles et
de gagner en compétitivité», défendait le Premier ministre dans une tribune publiée le 11 août dans le Daily Telegraph.
«Même si nous n’obtenons qu’une petite partie de l’impact des gaz de
schiste aux Etats-Unis, nous pourrons baisser le prix de l’énergie dans
ce pays.» Les dégâts pour l’environnement ? Trois fois rien, «des changements très mineurs au paysage».
Pour draguer les communes, le gouvernement et les compagnies d’énergie
ont promis à celles qui accepteraient des forages sur leur sol une
compensation 100 000 livres (850 000 euros) et, en cas d’exploitation
effective, un intéressement à hauteur de 1% du rendement.
Colle
Dès l’annonce des premiers forages à
Balcombe, bastion conservateur, les «anti-fracking» se sont organisés.
Le mouvement, réuni sous le slogan No Dash for Gas («Pas de
ruée vers le gaz») mêle habitants de la région et militants écologistes.
Il a reçu quelques soutiens médiatiques, comme celui de Bianca Jagger
ou Vivienne Westwood. Un camp de plusieurs dizaines de tentes a vu le
jour, avec terrain de jeux pour enfants, toilettes mobiles, cuisine,
billard... Sans être très nombreux (quelques centaines), les anti
s’évertuent à empoisonner la tâche des camions de la compagnie à coups
de chaînes humaines et actions diverses, comme se coller littéralement
aux grillages du site.
Sur le site de forage de Balcombe. (Photo Reuters)
Vendredi, ils ont obtenu une victoire, quoique provisoire. Sous pression, Cuadrilla a dû réduire la voilure.
«Notre principale préoccupation est la sécurité de nos équipes, des
habitants de Balcombe et des manifestants, à la suite des menaces
d’actions directes contre le site d’exploration, a expliqué l’entreprise. Nous reprendrons la totalité de nos activités dès que nous pourrons le faire en toute sécurité.»
La firme avait déjà dû interrompre en 2011 ses forages exploratoires
dans le Lancashire, dans le nord-est de l’Angleterre, après de légères
secousses telluriques dans les environs.
Ce lundi à Balcombe, la mobilisation a
continué. Une députée du parti vert, Caroline Lucas, a été interpellée
pour avoir refusé de quitter les lieux.
Autre victime du jour, Lord Horwell,
ancien conseiller sur l'énergie et ardent défenseur du gaz de schiste.
Devant la Chambre des lords, il avait dit le mois dernier qu'exploiter
le gaz de schiste dans le nord-est du pays ne gênerait pas grand-monde
puisqu'il y a là-bas «de vastes espaces inhabités et déserts», et donc «plein
de place pour la fracturation hydraulique [...] que nous pourrions
conduire sans aucune menace sur l’environnement rural». Les anti,
n'ayant guère apprécié, lui ont renvoyé l'argument avec une affichette
«for shale» sur sa maison et cette banderole tout ironique en référence à
la posture «Nimby» : «Pas dans ton jardin Lord Howell ?»
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