Nous reproduisons ci-dessous un joli petit texte de notre ami Karak, que vous pouvez retrouver sur son blog : http://karak.over-blog.com/
Manuel souviens-toi!
Mon papé
maternel était un Espagnol
de merde. C’est comme ça qu’on disait à l’époque. Pas « immigré » ni
« sans papiers » ou « clandestin » non, non, Espagnol de merde ! . Pour
les Italiens on
disait les macaronis, ça suffisait.
A 14 ans il avait franchi
illégalement les Pyrénées pour venir manger le pain des Français. A
partir de12 ans il avait travaillé dans une mine puis dans une
carrière mais ça devait pas suffire pour le nourrir. Il avait trop
d’appétit pour un Espagnol. On sait que les Espagnols sont tous petits,
secs et maigres avec des dents de cheval et qu’ils font
un festin avec une boîte de sardines. Lui non, il était grand et
costaud et mangeait comme un vrai Français, mais il restait un Espagnol
de merde. npa34
Il était maçon, il avait épousé une
espagnolette, ma grand-mère. Pas une vraie Française ne l’aurait accepté
comme époux, une dévergondée peut-être. Et à force
d’être traité d’Espagnol de merde, il s’est mis à sentir la merde.
Si, si, il faut dire qu’en ce temps là le tout-à-l’égout n’existait pas
et que mon papé était appelé chaque fois qu’une fosse
septique se bouchait. Là, il y était dedans jusqu’à la ceinture, et
les éclaboussures lui collaient au visage. Sentir la merde, c’est pas
agréable, mais sentir la merde des autres, c’est pire,
d’autant qu’il refaisait aussi les tombeaux et qu’il déplaçait les
vieux cercueils tout dégoulinant de pourriture. Aussi ! Il était le seul
à vouloir le faire, même les macaronis
refusaient. Lui pour nourrir sa femme et ses trois enfants il aurait
fait n’importe quoi. C’était bien un Espagnol de merde !
Puis un jour, on a commencé à le regarder de travers, les Allemands menaçaient de venir manger la viande des Français.
On lui a alors proposé de devenir
français. On ne parlait pas d’immigration choisie alors, on disait qu’il
aurait des devoirs. Justement, ça tombait bien, on venait
de déclarer la guerre, et comme la dernière fois ça avait fait
beaucoup de morts Français, on lui a fait une proposition. S’il partait à
la guerre, il deviendrait Français, il pourrait continuer
à manger le pain, comme avant, mais sans se faire traiter d’Espagnol
de merde. S’il restait, on le traiterait de pétochard et de profiteur
d’Espagnol de merde.
Et voilà comment mon grand-père est
devenu Français, en plus il a eu la bonne idée de ne pas se faire tuer,
ni d’être prisonnier. Il n’aurait pas aimé manger le
pain des Allemands, puis ma mamé et ses trois enfants je sais pas
comment ils auraient fait pour continuer à manger celui des Français.
Maintenant, ses enfants ne sont plus
des Espagnols de merde, son fils, mon tonton, milite même au Front
National. C’est dire si on est de vrais Français, si
seulement on n’était pas emmerdé par ces immigrés de merde !