Université Paul Valéry (Montpellier). Pour une mobilisation autonome des étudiants et des personnels !
La présidente de l’Université de Montpellier III : "Je n’ai plus les moyens"
(lire ci-dessous les précisions du NPA 34)
Fermeture du site de Béziers ou étudiants tirés au sort : Anne Fraïsse,
présidente de l’Université de Montpellier III, détaille les raisons de
ses décisions radicales.
Vous motivez les décisions de votre conseil
d’administration (lire ci-contre) par la situation financière difficile
de l’Université Montpellier III. Quelle est-elle réellement ?
Avec la loi sur l’autonomie des universités, nous avions dit que nous ne tiendrions pas deux ans (1). On y est. Nous y sommes passés en janvier 2012, avec la dernière vague. Depuis, nos moyens diminuent et nos charges augmentent. Et nous sommes en déficit depuis deux ans. Notre budget est de 98 M€, avec 85 % dédié à la masse salariale. Il reste trop peu en fonctionnement et investissement pour pouvoir jouer dessus. La masse salariale reste notre seule marge de manœuvre.
Et vos effectifs augmentent ?
Depuis cinq ans, sans cesse. Cette rentrée, on va dépasser les 20 000 étudiants. Là, il faut arrêter. On a gagné 6 000 étudiants en cinq ans !
Comment l’expliquez-vous ?
Nous sommes bien identifiés en lettres et sciences humaines, surtout que les autres fusionnent. Nous avons le plus d’étudiants hors académie. Nous sommes attractifs, avec de bons résultats, contrairement à ce qui se dit parfois. La ville est agréable.
Trop d’étudiants et de filières ?
Non, pas trop de filières, puisque le problème du trop grand nombre d’étudiants se pose essentiellement en première année. Et puis fermer de petites sections ne changerait rien, ça ne ferait qu’accentuer le mouvement vers les grosses.
Quels problèmes sont posés ? Et dans quelles filières ?
Nous n’avons pas les salles par exemple. Nous sommes l’une des universités qui compte le moins de mètres carrés par étudiant. Et dans certaines filières à succès, on se retrouve avec 70 % de cours assurés par des non-titulaires. Ce qui marche le mieux ? Cinéma (avec 130 étudiants de plus cette année !), arts plastiques, information-communication, voire AES ou psycho.
D’où une sélection par tirage au sort dans ces filières ?
Il y a donc des limites à mettre avec les capacités d’accueil, on va le demander au rectorat. Le tirage au sort intervient en dernier recours. Et uniquement après avoir pris, en cinéma par exemple, tous les étudiants de l’académie ayant fait ce choix en vœu n° 1, puis ceux hors académie avec le même souhait, etc. Mais un système où on doit tirer des étudiants au sort n’est pas un bon système. Je signale aussi qu’on enregistre de fortes baisses en histoire, lettres, littérature et civilisation, langues. Or ces filières sont très professionnalisantes, contrairement à une idée reçue.
Quid d’étudiants qui triplent ou quadruplent la première année ?
C’est “le” problème de l’université française. On n’en parle jamais, on ne réfléchit à aucune loi, ça arrange aussi..
C’est-à-dire ?
Il s’agit d’autant de jeunes que l’on sort des statistiques du chômage. On reproche à l’université d’avoir plus d’un étudiant sur deux échouant en première année et on n’a pas le droit de refuser ceux qui font cinq premières années avec 0,5 sur 20 de moyenne générale.
Vous en avez beaucoup ?
Il y a deux ans on avait, en tout, 5 000 étudiants en première année. 700 d’entre eux avaient terminé l’année avec une note moyenne entre 0 et 2 sur 20 ! En deuxième et troisième années, c’est fini, on a des taux de réussite de 75 et 80 %. Il y a des bacheliers qu’on envoie au casse-pipe aussi. On le voit avec l’accroissement des bacs pros, pour lesquels j’ai le plus grand respect. Mais des gens avec un bac métiers du froid qui s’inscrivent en langues étrangères appliquées, ils n’ont aucune chance de réussir !
Quelles solutions ?
Il faut de la clarté. Notre gestion est bonne, l’audit en cours le confirmera, mais Béziers, par exemple, c’est aussi une antenne sociale, qui coûte cher, avec 62 % de boursiers. Je veux me battre pour sauver Béziers mais je ne veux pas d’une simple solution provisoire pour fermer dans trois ou quatre ans. Je n’ai plus les moyens de cette politique sociale que le gouvernement voudrait nous voir mener alors qu’il entreprend, lui, une politique de restriction.
Et il faut régler le problème de la première année. Entre la sélection complète et l’ouverture incontrôlée il y a une solution intermédiaire non ? Car quand on reste en première année sans réussir pendant cinq ou six ans, au bout d’un moment, on finit par prendre la place de quelqu’un d’autre. Et il y a des jeunes qui n’attendent que ça, une carte d’étudiant...
Fusion, Idex, opération Campus
"L’opération campus marche bien"
Et d’ajouter : "Par contre, l’opération campus ça marche bien. Ça a redémarré avec des financements réels. On aura, pour remplacer la bibliothèque, un learning center qui devrait ouvrir ses portes en 2017. Ça avance et le ministère fait bien les choses. Vous voyez que je ne critique pas tout !"
Une bombe et un pamphlet
Annonce de la fermeture de Béziers
La plus spectaculaire d’entre toutes concernant la fermeture de l’antenne de Béziers (qui compte environ 700 étudiants) à la rentrée 2014. Autres pistes envisagées : la limitation des inscriptions avec sélection des étudiants par tirage au sort, ou le gel, partiel ou total, des recrutements d’enseignants et de personnels administratifs à la rentrée 2014.
Tribune au vitriol dans Libération
Deuxième salve tirée par la présidente de l’UM III : une tribune au vitriol publiée dans Libération, adressée à Geneviève Fioraso, ministre de l’Enseignement supérieur, contre laquelle elle se montre particulièrement virulente. Où elle lui jette en conclusion : "Aimez-nous moins mais changez de politique et n’empêchez pas nos universités de remplir leurs missions."
Le texte sur le site de Midi Libre
Précisions du NPA 34
Nous n'hésitons pas à dire tout le respect que nous avons pour les positions courageuses que prend la présidente de Montpellier III. Sa vigoureuse admonestation de la ministre de l'enseignement supérieur a permis de mettre cartes sur table en rendant évidente à une large échelle, avec une limpidité totale, la continuité antiéducative et antisociale du gouvernement socialiste avec son prédécesseur sarkozyste. Le coup porté est rude car il déchire le rideau mystificateur de la
com' du PS dans ses affichages politiciens de gauche voilant la réalité
de l'alignement sur la logique néolibérale-capitaliste.
Il nous faut cependant comprendre qu'il n'y a nul sauveur suprême à qui déléguer une baguette magique pour faire bouger les lignes de ce qui relève d'un féroce rapport de force actuellement très défavorable aux étudiants et aux personnels. Anne Fraïsse fait le maximum utile pour déstabiliser la politique gouvernementale mais dans les limites de sa fonction gestionnaire. Elle ferraille contre le gouvernement en déployant une stratégie au lance-flammes dans l'espoir que la virulence iconoclaste de ses propos suffira à mobiliser les autres présidences d'université et ainsi créer ce qui, malgré le feu des déclarations, est foncièrement une tactique de pression à froid sur Fioraso. Or nous constatons dans l'immédiat que les Anne Fraïsse sont bien rares, inexistant(e)s même, ailleurs qu'à Montpellier III : la docilité gestionnaire reste la marque de fabrique de ce monde-là et est par ailleurs renforcée par une forte inclination de certains syndicats de personnels ou étudiants à perpétuer le vase clos des arrangements avec la logique pernicieuse de la LRU ou des Idex. La solitude de franc-tireur de la présidente est son talon d'Achille...
Tout cela pour dire que la pire des choses qui pourrait arriver au mouvement actuel serait de rester cantonné à un secteur encore trop marginal d'étudiants et de personnels réduit à n'être qu'une petite force d'appoint, de l'extérieur, à l'action de la présidente : la mobilisation doit s'organiser pour contrecarrer en priorité ce qui s'est manifesté jeudi matin, le départ de la majorité des participants à la réunion avec la présidente au moment où allait s'ouvrir l'AG. Il y a un travail d'enracinement et d'élargissement par explications précises à mener : explications des conséquences de l'austérité sur les possibilités de mener des études à bien mais aussi explications sur la nécessité que le mouvement se dote d'une structuration indépendante de la logique d'action de la présidente. Il est symptomatique que celle-ci n'ait fait aucune allusion, à cette réunion, à l'action en cours dans son université ni au travail d'AG. Le devoir de réserve n'explique pas tout et peut-être même est un indicateur des limites de la démarche institutionnelle d'Anne Fraïsse. Soyons assurés en effet que, malgré tous les désagréments qu'elle lui procure, ladite démarche est perçue comme contrôlable et assez facilement neutralisable par Fioraso. Elle lui apparaît comme infiniment moins dangereuse politiquement qu'une mobilisation massive et auto-organisée des étudiants et des personnels sur les revendications : à commencer par celle du retrait des mesures d'austérité votées par le CA et donc la présidence comme arme de pression pour bloquer... l'austérité gouvernementale ! Ce paradoxe d'une austérité locale pour contrer l'austérité centrale doit être dépassé par l'actuelle mobilisation qui doit donc marcher sur ses deux jambes en immobilisant les deux roues de la mécanique austéritaire qui semblent tourner à l'envers mais qui de fait tournent à l'unisson pour cantonner étudiants et personnels dans l'attentisme par la délégation de l'action à la seule forte personnalité de la présidente... Ne l'oublions pas : l'attentisme et la délégation de pouvoir sont les armes de destruction massive de ce gouvernement de la gauche de droite...
A lire aussi
NPA 34, NPA