La politique du gouvernement ? "Il n’y a là aucune virage. Il s’agit juste d’un
enlisement. Détestable enlisement auquel la gauche ne survivra pas…"
Mediapart
C'est reparti ! Périodiquement, les grands médias croient deviner que
François Hollande est en train de négocier un changement de cap de sa
politique économique et sociale. Il a donc suffi que, lors de ses vœux
aux Français pour la nouvelle année, le 31 décembre, le chef de l’État
révèle son intention de proposer aux entreprises un « pacte de responsabilité »,
avec à la clef des nouveaux allègements de charges sociales en
contrepartie d’engagements sur le front de l’emploi, pour qu’aussitôt,
les commentaires reprennent : « Hollande a-t-il pris un tournant "social-libéral ?"» s’interroge Europe 1. « Hollande change de logiciel », assure France Info. Dans un entretien avec Le Journal du dimanche, l’ancienne ministre socialiste de l’écologie, Delphine Batho, croit, elle, déceler « un tournant idéologique de Hollande ».
Et ces controverses ne sont pas même éteintes que le gouvernement envisage un nouveau plan d’allègements de cotisations sociales, qui serait financé par l’impôt. En clair, encore et toujours, sur le dos des contribuables ou des consommateurs.
L’annonce de François Hollande vient donc confirmer que c’est bel et bien une « politique de l’offre » néo-libérale qu’il entend conduire. Une « politique de l’offre » qui vise à organiser un immense transfert à l'avantage des entreprises et au détriment des ménages. Après les 20 milliards d’euros, d’autres cadeaux devraient suivre.
Mais la référence au « choc de compétitivité » permet de clore ce débat biscornu autour du supposé virage du chef de l’État. Car, avec son « pacte de responsabilité », François Hollande ne procède pas à un virage : il ne fait qu’amplifier cette « politique de l’offre » qu’il conduit au détriment du monde du travail depuis de longs mois.
Depuis quand précisément ? C’est la question clef. En vérité, cela a été la première surprise de ce quinquennat. Alors que pendant la campagne présidentielle, il avait vivement condamné le « choc de compétitivité » préconisé par Nicolas Sarkozy ainsi que la hausse de la TVA voulue par le champion de l’UMP pour financer le dispositif, François Hollande a tourné casaque dès son accession à l’Élysée.
Au mois de juin 2012, plusieurs ministres font en effet entendre une petite musique inattendue – que l’on n’avait jamais entendue pendant la campagne dans la bouche des hiérarques socialistes – suggérant que le problème majeur de l’économie française était celui de la compétitivité de ses entreprises. Et lors du premier sommet social du quinquennat, le 9 juillet 2012, le nouveau chef de l’État lance les prémisses de la réforme qui conduira au fameux choc de compétitivité.
Dans les semaines qui suivent, toute la politique économique va s’inspirer de la même doctrine. Austérité budgétaire et salariale, trahison des ouvriers de Florange, abandon de la « révolution fiscale », quasi-abandon du projet de partition des banques : dans la foulée de ce « choc de compétitivité », François Hollande surprend en conduisant une politique totalement à rebours de ce qu’il avait suggéré pendant la campagne, notamment en professant que son ennemi, c’était la finance.
Des ordonnances très antidémocratiques
En clair, l’histoire de François Hollande diverge totalement de
celle du premier septennat de François Mitterrand. Car dans ce dernier
cas, il y a eu pendant au moins 10 à 12 mois un gouvernement qui s’est
appliqué à conduire une politique de réformes... de gauche ! Politique
de relance, nationalisation, création de l'impôt sur les grandes
fortunes : même si c’est avec maladresse, la gauche tente alors
d’appliquer une politique conforme à ses valeurs. Et ce n’est qu’après
avoir heurté de plein fouet le mur de la contrainte extérieure que le
gouvernement négocie, en 1982-1983, le fameux « virage de la rigueur ».
L’histoire de François Hollande diverge aussi totalement de celle de Lionel Jospin qui devient premier ministre en 1997. Dans ce dernier cas, le dirigeant socialiste accède en effet à Matignon avec un programme très ancré à gauche et ne tourne pas casaque aussitôt. Non ! Il est plutôt pris par une sorte d’irrépressible épuisement. Face à la force croissante des marchés financiers, on le sent de plus en plus impuissant. Jusqu’à l’aveu final, qu’il concédera malencontreusement pendant sa campagne présidentielle, en 2002 : « Mon projet n’est pas socialiste. »
Rien de tel dans le cheminement de François Hollande. Il n’a pas cherché, ne serait-ce que quelques semaines, à appliquer une politique de gauche, avant de négocier, comme en 1982, un virage de la rigueur. Il n’a pas plus donné le sentiment, comme ce fut le cas sous Lionel Jospin, de devenir progressivement impuissant, comme paralysé face aux marchés. Non ! La vérité commande de dire que François Hollande a d’emblée appliqué une politique économique néolibérale. Cela s’est fait dans une confusion formidable, dans un désordre dont la gauche socialiste n’est sûrement pas près de se remettre, mais au moins le cap économique n’a jamais vraiment changé : cap à droite !
Et c’est pour cela que le débat qui rebondit aujourd’hui sur le supposé changement de cap de François Hollande apparaît un tantinet surréaliste. Car la vraie question à se poser est la suivante : comment diable François Hollande a-t-il pu faire entendre une petite musique de gauche pendant la campagne présidentielle, avec ses sorties tonitruantes contre la finance ou en faveur d’une taxe à 75 % sur les très hauts revenus, et mettre derechef en œuvre une politique de droite sitôt son élection assurée ? Dans ce pas de deux, n’y a-t-il pas eu une part de duperie ?
En tout cas, c’est à une controverse inédite que s’est exposé François Hollande. Car dans le passé, il est des hommes politiques à qui l’on a pu reprocher leur inconstance ou leur versatilité – ce fut le cas de Jacques Chirac. Il en est d’autres qui ont changé de politique économique en cours de mandats, mais parfois avec des arguments solides – ne faut-il pas modifier son cap quand des écueils imprévus surviennent ?
François Hollande, lui, avait promis – ou parfois seulement suggéré – une politique économique de gauche ; et dès le premier jour, sans explication ni justification, il a mis en œuvre une politique de droite. Et il l’a fait tellement spontanément – sans même donner le sentiment d’hésiter, sans consulter son propre parti ou les célèbres « visiteurs du soir » auxquels avait eu recours en d’autres temps François Mitterrand – qu’on en vient à penser que tout cela a été calculé. Cyniquement calculé : gagnons l’élection à gauche ; gérons le pays à droite…
On devine sans peine que cette logique conduit la gauche socialiste dans une impasse gravissime. On a pu en prendre la mesure : au fil des mois, la contestation sociale dans le pays s’est faite de plus en plus tumultueuse et a gagné jusqu’aux rangs mêmes des parlementaires socialistes.
Le chef de l’État est d'ailleurs bien placé pour mesurer la violence des critiques que suscite sa politique, lui qui vient d’annoncer un recours aux ordonnances pour les prochaines réformes du gouvernement. En clair, un gouvernement de gauche, qui se disait pourtant attaché à une refondation démocratique, va utiliser l’arme la plus contestable de la Constitution, celle qui lui permet de gérer les affaires du pays en se passant de l’approbation des élus de la Nation – y compris les élus de sa propre majorité. Une politique néolibérale mise en œuvre de manière autoritaire grâce aux dispositions les plus contestables de la monarchie républicaine : il n’y a là aucune virage. Il s’agit juste d’un enlisement. Détestable enlisement auquel la gauche ne survivra pas…
L’histoire de François Hollande diverge aussi totalement de celle de Lionel Jospin qui devient premier ministre en 1997. Dans ce dernier cas, le dirigeant socialiste accède en effet à Matignon avec un programme très ancré à gauche et ne tourne pas casaque aussitôt. Non ! Il est plutôt pris par une sorte d’irrépressible épuisement. Face à la force croissante des marchés financiers, on le sent de plus en plus impuissant. Jusqu’à l’aveu final, qu’il concédera malencontreusement pendant sa campagne présidentielle, en 2002 : « Mon projet n’est pas socialiste. »
Rien de tel dans le cheminement de François Hollande. Il n’a pas cherché, ne serait-ce que quelques semaines, à appliquer une politique de gauche, avant de négocier, comme en 1982, un virage de la rigueur. Il n’a pas plus donné le sentiment, comme ce fut le cas sous Lionel Jospin, de devenir progressivement impuissant, comme paralysé face aux marchés. Non ! La vérité commande de dire que François Hollande a d’emblée appliqué une politique économique néolibérale. Cela s’est fait dans une confusion formidable, dans un désordre dont la gauche socialiste n’est sûrement pas près de se remettre, mais au moins le cap économique n’a jamais vraiment changé : cap à droite !
Et c’est pour cela que le débat qui rebondit aujourd’hui sur le supposé changement de cap de François Hollande apparaît un tantinet surréaliste. Car la vraie question à se poser est la suivante : comment diable François Hollande a-t-il pu faire entendre une petite musique de gauche pendant la campagne présidentielle, avec ses sorties tonitruantes contre la finance ou en faveur d’une taxe à 75 % sur les très hauts revenus, et mettre derechef en œuvre une politique de droite sitôt son élection assurée ? Dans ce pas de deux, n’y a-t-il pas eu une part de duperie ?
En tout cas, c’est à une controverse inédite que s’est exposé François Hollande. Car dans le passé, il est des hommes politiques à qui l’on a pu reprocher leur inconstance ou leur versatilité – ce fut le cas de Jacques Chirac. Il en est d’autres qui ont changé de politique économique en cours de mandats, mais parfois avec des arguments solides – ne faut-il pas modifier son cap quand des écueils imprévus surviennent ?
François Hollande, lui, avait promis – ou parfois seulement suggéré – une politique économique de gauche ; et dès le premier jour, sans explication ni justification, il a mis en œuvre une politique de droite. Et il l’a fait tellement spontanément – sans même donner le sentiment d’hésiter, sans consulter son propre parti ou les célèbres « visiteurs du soir » auxquels avait eu recours en d’autres temps François Mitterrand – qu’on en vient à penser que tout cela a été calculé. Cyniquement calculé : gagnons l’élection à gauche ; gérons le pays à droite…
On devine sans peine que cette logique conduit la gauche socialiste dans une impasse gravissime. On a pu en prendre la mesure : au fil des mois, la contestation sociale dans le pays s’est faite de plus en plus tumultueuse et a gagné jusqu’aux rangs mêmes des parlementaires socialistes.
Le chef de l’État est d'ailleurs bien placé pour mesurer la violence des critiques que suscite sa politique, lui qui vient d’annoncer un recours aux ordonnances pour les prochaines réformes du gouvernement. En clair, un gouvernement de gauche, qui se disait pourtant attaché à une refondation démocratique, va utiliser l’arme la plus contestable de la Constitution, celle qui lui permet de gérer les affaires du pays en se passant de l’approbation des élus de la Nation – y compris les élus de sa propre majorité. Une politique néolibérale mise en œuvre de manière autoritaire grâce aux dispositions les plus contestables de la monarchie républicaine : il n’y a là aucune virage. Il s’agit juste d’un enlisement. Détestable enlisement auquel la gauche ne survivra pas…
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