L'extrême droite entre réponse fonctionnelle du capitalisme à sa crise et dysfonctionnement par rapport à la domination bourgeoise...
Entretien. Alain Bihr, sociologue, est l’auteur de nombreuses études sur les classes sociales et la pensée marxiste. Il a également publié des ouvrages sur le Front national et le négationnisme. Son dernier livre s’intitule les Rapports sociaux de classes (1). Avec lui, nous revenons à la question de l’État, sur fond de montée de l’extrême droite...
Pour toi, il n’y a pas de danger fasciste en Europe aujourd’hui. Tu écris que le scénario fasciste « apparaît bien comme historiquement daté et typé ». Peux-tu expliquer pourquoi ?
On convient volontiers qu’il est impossible de comprendre les mouvements et régimes fascistes que l’on a connus en Europe dans les années 1920-1940 en dehors de la phase historique de développement du capitalisme dont ils ont été les contemporains. Je pense qu’il faut même considérer qu’ils sont indissociables de cette phase. Or celle-ci présente des caractéristiques fort différentes de la phase historique qui est la nôtre, de tous points de vue : celui de la configuration des rapports de classes ; celui de la restructuration des appareils d’État rendue nécessaire dans chacune des phases envisagées ; celui des conditions psychosociales (la « mentalité collective ») présidant dans les deux cas à la mobilisation politique des individus.
Pour me limiter au second de ces trois éléments de comparaison, alors qu’il s’agissait dans les années 1920-1940 de passer d’un État libéral à un État interventionniste (et les régimes fascistes ont aussi eu cette fonction historique), il s’agit aujourd’hui au contraire d’organiser un relatif désengagement des États à l’égard de leurs tâches de régulation économique et sociale, du moins au niveau national. Alors que les réformes institutionnelles de l’appareil d’État national entreprises au cours des années 1920-1940 se sont soldées par une concentration du pouvoir au sein de cet appareil, c’est aujourd’hui à sa démultiplication entre des instances supra-nationales (celles de l’Union européenne), nationales et infra-nationales (celles des régions et des grandes métropoles) qu’il s’agit de procéder.
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