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La gauche en débat : Piketty, une approche hors problématique d'exploitation et de luttes !


Son livre ne peut apparaître comme un livre de gauche que parce que les cénacles idéologiques dont il est proche se sont acharnés à démolir au préalable tout ce qui faisait que la gauche était la gauche

 

Il n'est pas très original, j'en ai conscience, de s'inquiéter de l'état dans lequel se trouvent aujourd'hui la gauche et la pensée de gauche, pour autant qu'il soit possible de distinguer ces deux registres. Mais dans la mesure où la gauche politique semble s'enfoncer dans les abîmes d'un désastre qui s'annonce historique, on peut comprendre que ceux qui croient encore aux vertus d'une démarche de transformation sociale cherchent à rattacher le peu d'espoir qui leur reste à tout ce qui ressemble, de près ou de loin, à une contribution progressiste à la réflexion théorique.


La tentation est grande, dans un tel contexte, de prendre pour d'extraordinaires avancées progressistes ce que, en d'autres temps, on aurait considéré comme des concessions destinées à sauver le système, et même d'aller jusqu'à sentir un souffle « révolutionnaire » dans ce qu'il conviendrait d'interpréter comme un aboutissement et un réaménagement de ce qu'a produit la « révolution conservatrice » depuis le début des années 1980.

LES CÉNACLES IDÉOLOGIQUES

Je pense, par exemple, au livre de l'économiste Thomas Piketty, Le Capital au XXIe siècle (Seuil, 2013), qui ne peut apparaître comme un livre de gauche que parce que les cénacles idéologiques dont il est proche se sont acharnés à démolir au préalable tout ce qui faisait que la gauche était la gauche. Il suffirait pour s'en convaincre de constater que ceux qui l'applaudissent dans les journaux français sont les mêmes qui insultaient hier Pierre Bourdieu lorsqu'il dénonçait les ravages répandus par le néolibéralisme.

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[…] Les commentaires qui suivent seront néanmoins critiques, parce que le cadre théorique utilisé par Piketty n’est pas à la hauteur de la richesse de ses données. Pour le montrer, on examinera surtout les deux lois fondamentales du capitalisme, dont Piketty se sert comme grille de lecture de ses données. Le fil directeur de cette investigation est l’idée selon laquelle Piketty mélange de manière incohérente deux définitions du capital, comme « facteur de production » et comme ensemble de « droits de tirage » sur le revenu.



A notre avis 

Ce texte de Jean-Pierre Garnier, au demeurant stimulant pour sortir des schémas d'intégration de la gauche dans le système de production et de reproduction du capital, tend à entériner qu'il existe une incompatibilité irréductible entre le sociétal et le social. Le premier servirait en quelque sorte à domestiquer le second en permettant à la gauche de droite de poursuivre son oeuvre de mystification; celle qui l'autorise à se légitimer comme de gauche, malgré tout, en pérennisant son travail de sape des obstacles sociaux au seul profit du capital. Or il nous semble au NPA qu'une gauche conservant le cap du renversement du capital doit disputer à la "gauche de gouvernement" son hégémonie tendancielle sur ces questions sociétales, dont le nom est d'ailleurs probablement problématique pour ce qu'il cherche à se poser en désactivateur-neutralisateur de la conflictualité sociale : pour essayer de le dire clairement, et dans la lignée de ce que le Mai 68 irrécupérable par le capitalisme a fait émerger, l'égalité des droits hommes-femmes, hétéros-homos-etc. fait partie des revendications démocratiques croisant intimement les revendications supposées proprement sociales. Pour être encore plus clairs, nous assumons pleinement qu'il n'y a pas intrinsèquement opposition entre les aspirations au bonheur individuel (interindividuel) et la volonté collective de construire un autre monde que celui, borné, du capitalisme. Une gauche anticapitaliste ne saurait laisser faire du "sociétal" le champ de manoeuvre du capital et de ses alliés de la petite bourgeoisie intellectuelle et politique contre les intérêts populaires. En quelque sorte parce que le sociétal est le social si l'on veut bien dépasser l'antagonisme facile entre les deux qui, au fond, sert trop les intérêts de la gauche capitaliste que d'aucuns appellent social-libérale. Laisser s'installer cet antagonisme participe enfin pour ainsi dire d'une démission politique qui aurait l'immense inconvénient de faire assumer par la gauche anticapitaliste un logiciel collectiviste, contradictoire avec la pensée de Marx lui-même, dont le passé stalinien ne plaide pas pour qu'on le considère émancipateur ! Voir à ce sujet les travaux de Philippe Corcuff :




NPA 34, NPA

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