Quand « Ne pas importer le conflit du Proche-Orient » signifie en réalité « Ne pas défendre les droits des Palestiniens »
Extraits. […] Pas un mot [chez François Hollande] pour les victimes civiles : cette omission traduisait
la résurgence d’un mépris colonial abyssal, archaïque, décomplexé. La
France reprenait à son compte la négation par Israël de la valeur d’une
vie arabe — la propagande
invite sans cesse à se demander « ce qu’on ferait » si des roquettes
tombaient sur Londres ou Paris, mais elle n’envisage jamais qu’on puisse
se mettre à la place d’un Palestinien et imaginer, par exemple, le
onzième arrondissement de Paris réduit à un paysage lunaire jonché de
cadavres. […]
En dépit de ses positions [de] soutien à Israël, Richard
Prasquier, président du CRIF entre 2007 et 2013, ne s’y était pas laissé
prendre, lui. Dans une tribune du Monde (18
mars 2011), il écrivait lucidement : « Le musulman a pris la place
tenue hier par le juif, l’Arabe ou l’immigré dans la dialectique
frontiste. Ne nous y trompons pas : ceux qui parlent de l’islamisation
de la France sont guidés par la même obsession xénophobe que ceux qui
dénonçaient la judaïsation de notre pays dans les années 1930. » De
fait, les points communs entre le traitement réservé il n’y a pas si
longtemps aux juifs et celui réservé aujourd’hui aux musulmans sont
frappants. […]
Si certains daignent tout de même émettre du bout des lèvres une
critique sur les agissements israéliens, ils s’empresseront d’ajouter
qu’ils « ne soutiennent pas non plus le Hamas » — un réflexe dans lequel
la féministe égypto-néerlandaise Sara Salem a raison de voir la « plus grande victoire des communicants israéliens ».
Si, par un dysfonctionnement inexplicable, ils oublient cette précision,
quelqu’un leur ressortira promptement l’inusable charte du Hamas
appelant à la destruction d’Israël. Peu importe qu’elle n’ait aucune
chance d’être mise en œuvre face à un Etat disposant des armements les
plus sophistiqués et soutenu par la première puissance mondiale : les
intentions malveillantes de l’occupé, et l’animosité tout à fait
préoccupante qu’il manifeste envers l’occupant, sont plus graves que ce
que subit effectivement la population palestinienne. De même, la menace
des roquettes, qui n’atteignent que très rarement leur but, est
considérée comme plus grave que le déluge de feu sur Gaza, avec ses
morts et ses destructions. Comme le résumait un Palestinien (je ne
retrouve plus la source) : « Eux, ils ont peur ; nous, on meurt. »
Quels sont les médias français qui restent encore imperméables aux « éléments de langage » israéliens ? Le Monde diplomatique, L’Huma, Mediapart, Arrêt sur images, Politis (j’en oublie peut-être ; j’espère que j’en oublie). Quels sont les partis politiques qui défendent encore les droits des Palestiniens ? Le Nouveau parti anticapitaliste, le Front de gauche, les Verts... Tout ça ne pèse pas lourd face aux grosses machines dominantes. La conséquence, c’est qu’il y a de moins en moins de relais pour l’énorme colère suscitée. Et l’interdiction des manifestations vient parachever cet étouffement. […]
On voudrait doper l’audience de Soral et de Dieudonné qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Ces derniers temps, j’ai vu autour de moi des gens — parfaitement blancs et « intégrés », d’ailleurs — péter les plombs, se mettre à relayer des sites conspirationnistes ou soraliens, ou encore devenir des fans enthousiastes de Dieudonné. […]
Autoriser une pluralité de points de vue, rappeler Israël au droit international, dénoncer des crimes de guerre pour ce qu’ils sont, ne reviendrait évidemment pas à nier l’humanité des juifs de France — à moins, là encore, de confondre judaïté et sionisme. […] Malheureusement, des années de matraquage islamophobe ont rendu cette voie impossible à emprunter. Il ne reste plus qu’à espérer qu’on ne le paiera pas trop cher.
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Nos dossiers Palestine, international
La propagande
invite sans cesse à se demander « ce qu’on ferait » si des roquettes
tombaient sur Londres ou Paris, mais elle n’envisage jamais qu’on puisse
se mettre à la place d’un Palestinien et imaginer, par exemple, le
onzième arrondissement de Paris réduit à un paysage lunaire jonché de
cadavres (Mona Chollet)
NPA 34, NPA