Réfléchir, faire réfléchir ou traquer le dissensus ?
J.S, le 19 janvier 2015
Les assassins ne sont pas des irresponsables
Au
sujet des tueries elles-mêmes, deux discours apparemment opposés se
font face, qui ont toutefois un point commun : celui de
déresponsabiliser les assassins. Le premier de ces discours est celui
qui domine chez les élites politico-médiatiques : les tueurs sont
des « fous », des « monstres », des « barbares », et rien ne peut
expliquer rationnellement leurs actes. Le second discours vient de
certains acteurs antiracistes et/ou anti-impérialistes : les tueurs sont
le produit des politiques, intérieures et extérieures, de la France, et
l’on peut comprendre (sans les justifier) les tueries comme une
conséquence de ces politiques.
Le premier de ces discours exploite l’émotion légitime suscitée par la
violence des tueries pour censurer toute réflexion et toute tentative
d’explication. Le second discours, duquel je me sens plus proche,
présente toutefois le même défaut que le premier : il « oublie » que les
tueurs sont des sujets qui ont réfléchi et agi, et non de simples
sous-produits passifs du racisme et de l’impérialisme. À certains
égards, on s'approche ici dangereusement des thèses complotistes, qui
voient les assassins comme de simples marionnettes des grandes
puissances. Or les tueurs ont un discours (voir leurs interviews et
vidéos, dans lesquelles ils parlent de la Syrie, de l’Iraq, des offenses
faites aux musulmans en France et dans le monde, etc.) ; un corpus
théorique (voir notamment l'article publié par Mediapart) ; des références organisationnelles (État islamique, al-Qaeda dans la péninsule arabique). Cliquer ici
Et vendredi matin, à 8 heures, il est là, dans les geôles du palais de justice, arrivé menotté, attendant d’être mis en examen pour apologie d’acte de terrorisme. Comme l’autre comique avec son « Je suis Charlie Coulibaly ». Mon petit poisson, « apologie », il a pas la moindre idée de ce que ça peut bien vouloir dire. Terrorisme ? « C’est ceux qui tuent pour rien. » En cherchant bien, « ça vient de terreur ? »
Il est au fond du trou, avec moi dans les geôles, et nous essayons d’imaginer demain, d’imaginer qu’il pourra retourner dans son collège. […] Je suis fatiguée de cette folie collective qui, après un très bel élan de fraternité, traque et cherche les coupables de ce chaos qu’il nous reste à vivre, dans lequel il va me falloir travailler. Cliquer ici
A lire aussi
Dans les années 90, et jusqu’au début 2000, nous avions effectivement
des personnalités théologiquement radicalisées, avec une éducation
religieuse (et souvent un cursus universitaire), correspondant aux
individus qui sont à l’origine des attentats du 11 septembre 2001.
Aujourd’hui, c’est très différent, nous avons des jeunes frustrés, qui
finissent par prendre au sérieux la mise en scène collective qui leur
assigne le rôle du jihadiste dont on a si peur. Ce rôle, monstrueux pour
«nous», devient désirable pour «eux», justement parce qu’il est
monstrueux pour nous. Leur folie se nourrit du sentiment de
l’humiliation, du ressentiment et du désir de vengeance et d’héroïsme.
Ils s’improvisent soudain jihadistes, non pas progressivement, mais
soudainement, j’y tiens. Cliquer ici
Une ministre de l’éducation nationale qui parle du rôle de l’école et qui évoque « de trop nombreux questionnements » ?
On pensait, naïvement, que l’école devait ouvrir à l’esprit critique,
instiller le doute. Voltaire est sans cesse convoqué pour cela. Mais
Mme Vallaud-Belkacem a une tout autre vision… Les « mais » sont
interdits, elle ne veut voir dépasser aucune tête. Cliquer ici
Patricia, éducatrice, travaille sur le dossier d’un
collégien accusé d’avoir fait l’apologie du terrorisme pendant un débat
sur l’attentat contre Charlie Hebdo. Elle dénonce une « folie
collective ». […]
Et vendredi matin, à 8 heures, il est là, dans les geôles du palais de justice, arrivé menotté, attendant d’être mis en examen pour apologie d’acte de terrorisme. Comme l’autre comique avec son « Je suis Charlie Coulibaly ». Mon petit poisson, « apologie », il a pas la moindre idée de ce que ça peut bien vouloir dire. Terrorisme ? « C’est ceux qui tuent pour rien. » En cherchant bien, « ça vient de terreur ? »
Il est au fond du trou, avec moi dans les geôles, et nous essayons d’imaginer demain, d’imaginer qu’il pourra retourner dans son collège. […] Je suis fatiguée de cette folie collective qui, après un très bel élan de fraternité, traque et cherche les coupables de ce chaos qu’il nous reste à vivre, dans lequel il va me falloir travailler. Cliquer ici
« De nouveau, la laïcité et la Marseillaise resurgissent comme une
thérapeutique idéale, espérant formater les élèves selon un modèle
standardisé et docile », constatent pour le regretter les
enseignant.e.s et chercheurs/ses sur l’école Vincent Casanova, Grégory
Chambat, Laurence De Cock, Laurent Ott, Ugo Palheta, Irène Pereira,
Valentin Schaepelynck, Emmanuel Valat et Viviane Vincente, alors que les
élèves ont besoin « d’éprouver la politique comme une réalité dont ils sont partie prenante ».
Un “Patriot Act à la française” est-il souhaitable ? Pas pour le
philosophe italien Giorgio Agamben, qui considère que, dans un Etat
sécuritaire, la vie politique est impossible. Et la démocratie en
danger. Cliquer ici
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