J'ai rencontré ceux qui avancent malgré la peur...
Lundi 20 avril 2015 19 h 50
Diagonal Capitole : 5, rue de Verdun Tél : 04 67 58 58 10
Séance suivie d'un débat avec Carmen Castillo, réalisatrice
Des sans domicile de Paris aux sans-terre brésiliens, des Zapatistes mexicains aux quartiers nord de Marseille, des guerriers de l’eau boliviens aux syndicalistes de Saint-Nazaire, les visages rencontrés dans ce chemin dessinent ensemble un portrait de l’engagement aujourd’hui, fait d’espoirs partagés, de rêves intimes, mais aussi de découragements et de défaites. Comme Daniel, ils disent : « L’histoire n’est pas écrite d’avance, c’est nous qui la faisons ». « Jusqu’où faut-il accepter le monde tel qu’il est ? A partir de quand faut-il le refuser et s’insurger ? Faut-il y consacrer un moment, des années, une vie? » Mes amis chiliens avaient répondu en engageant leur vie... et en la perdant. La question « Cela valait-il la peine? », je l’ai posée tout au long de mon film « Rue Santa Fe ». Mais la lutte, fût-elle armée, contre une dictature brutale était une évidence. Les évidences sont depuis longtemps finies. L’un me disait: « Il n’y a pas de fatalité, le présent peut toujours redistribuer les cartes. Le dernier mot n’est jamais dit. » L’autre affirmait: « Tant qu’on lutte, on est vivants ». Carmen Castillo Cliquer ici
Carmen
Castillo est née au Chili. Elle travailla avec Salvador Allende et, au
lendemain du coup d'État mené par le général Pinochet, entra dans la
résistance clandestine aux côtés de son compagnon Miguel Enriquez.
Arrêtée puis expulsée de son pays natal (une mobilisation
internationale permit de la sauver), elle raconta cette histoire
tragique dans deux ouvrages puis dans le film Rue Sante Fe,
sorti en 2007. Comment transmettre la mémoire des vaincus sans
l'étouffer de nostalgie ou d'amertume ? Comment demeurer fidèle,
aujourd'hui, aux idéaux de ceux — amis, proches et camarades — qui ne
sont plus de ce monde qu'ils voulurent tant changer ? Comment
espérer lorsque l'on sait que plus rien, comme d'aucuns purent jadis le
croire, n'est tracé d'avance ? Ces questions hantent la réalisatrice.
Son prochain film, On est vivants,
sortira en salles le 29 avril 2015 : prenant appui sur la pensée du
philosophe Daniel Bensaïd, Castillo donne à voir, entre deux continents,
les combats quotidiens de tous ces anonymes qui s'échinent, dans
l'angle mort des grands médias, à faire de la lutte une « passion joyeuse ». Malgré tout. […]
Notre jeunesse était convaincue que la Révolution allait advenir à l'échelle de nos vies. L'engagement politique était clair, tracé, vivant. Il était du côté de la vie et, pour cette génération, partout dans le monde, il portait ce désir de liberté, de justice et d'autonomie. Mais après ? Après l'effondrement de notre religion de l'Histoire, de nos certitudes ; après, comme a dit Daniel [Bensaïd], il n'y avait plus d'avenir radieux ; alors quoi ? Nous allions faire comme tout le monde ? Se plier, renoncer, rentrer dans les rangs ? Croire au libéralisme triomphant et aux mirages de la globalisation heureuse ? Ces interrogations se sont cristallisé, pour moi, à la mort de Daniel, en 2010. Nous lui avons rendu hommage, un grand hommage, à la Mutualité. J'y étais, j'étais très inhibée, j'ai parlé au nom de l'Amérique latine – Daniel s'était beaucoup engagé pour elle, au sein d'une section de la quatrième Internationale (il a longtemps été en Argentine, au Brésil, au Chili). La perte de son amitié me rendait plus lourde. Mais ce poids était l’opposé d’un fardeau, c’était un message composé de ses actes, de ses blessures, de son rire. Depuis les années 1990, Daniel était devenu pour beaucoup d’entre nous, un vigie. Lorsqu'il est mort, j'ai vu naître une nécessité, un désir, je voulais aller chercher, savoir sur quelle base, sur quelle pensée nous pouvions rassembler, commencer à réfléchir. Comment être en mouvement, être actif, acteur ? Daniel avait beaucoup écrit là-dessus. Plusieurs fois, il m'avait secouée lorsque je tombais dans de grands moments de mélancolie. Il était drôle. Discret et plein d'humour. Il avait une manière de te glisser trois mots pour te remettre la tête d'aplomb. Cliquer ici
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