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Etat espagnol. Le cycle de la Transition "domestiquée" par le bipartisme est en crise ouverte...


 Hier les Indigné-e-s sur les places, aujourd'hui l'unité populaire antisystème dans les urnes, demain la convergence des deux dynamiques ?

  
Par Manuel Gari (publié par alencontre.org). 

État espagnol : chronique d’urgence après le compte-rendu du gouvernement sur les résultats des élections dans les municipalités et 13 régions autonomes.

Le dimanche 24 mai ont eu lieu des élections dans 9 000 municipalités de l’État espagnol et dans 13 régions autonomes (à l’exception de l’Andalousie, la Galice, la Catalogne et le Pays Basque), pour les conseils d’Araba, Bizkaia et Gipuzkoa (Pays basque), les conseils provinciaux dans les îles Canaries et dans les conseils des trois îles Baléares.

La donnée principale de la journée est que le Parti populaire (PP), bien qu’il ait obtenu plus de 6 millions de voix (1er parti en voix) a perdu 2,5 millions voix par rapport aux élections municipales précédentes. 

Il n’a battu le Parti socialiste (PSOE) que de 400 000 voix. Le PSOE lui-même a perdu 775 000 voix par rapport aux précédentes élections municipales, en dépit d’une augmentation significative de la participation. Cliquer ici

Le texte original, en espagnol, est à lire ici

Note : pour mémoire... La "Transition démocratique" est le terme de référence dans l'Etat espagnol pour désigner le processus qui a permis de défaire la dictature franquiste et faire advenir le régime démocratique actuel. Jusqu'à l'émergence du mouvement des Indignés en 2011, c'était une dénomination fétiche, intouchable qui, articulée à la mythification du personnage du roi Juan Carlos, posait en modèle la capacité à "dépasser" une dictature, sans rupture, par l'instauration d'une démocratie postulée pleine et entière. La "crise" de 2008 et la dévastation sociale qu'elle a provoquée ont fracturé ce monument d'enfumage. Les Indignés ont mis le doigt là où "cela fait mal" dans un système ayant recyclé les élites franquistes et reconduisant, sous le verni démocratique, le rapport de force social issu du franquisme et donc particulièrement défavorable à la population : une corruption gigantesque qui est désormais exposé au grand jour. 

Sur le plan politique, la Transition a instauré ce bipartisme PP/PSOE [Parti Socialiste] fondé sur le pacte signé, peu après la mort de Franco, entre la droite de l'époque, les socialistes mais aussi le PC (1), pacte consolidé au fil du temps par un financement bancaire des plus généreux de ces partis. L'abdication du roi Juan Carlos a consacré médiatiquement (mais également avec une dimension politique très forte) le début de la fin du consensus doré qui prévalait autour d'une démocratie au rabais sur fond d'une intégration européenne répondant aux voeux des secteurs modernistes  du capital déjà sous la dictature. Voilà en quelques mots pourquoi l'on peut parler d'un cycle de la Transition qui vit actuellement une crise sans précédent : l'actuelle monarchie parlementaire, en son essence profondément capitaliste, est fille de ces années de "transition" qui se sont succédé de 1975 à 1982, date à laquelle le PSOE est arrivé au gouvernement et a mis en branle cette alternance bipartite qui est au coeur de la contestation de Podemos et des alliances populaires qu'il a impulsées, avec succès, à l'occasion des élections locales de dimanche. On notera en passant la difficulté que va représenter pour les forces "antisystème" qui ont émergé à ces élections le défi de devoir se confronter à la question des pactes (avec un PSOE dénoncé jusqu'ici comme partie prenante de la caste à combattre ?) permettant de transformer des scores élevés mais, le plus souvent, relatifs en capacité à faire majorité dans les communes et les régions.

Antoine 

(1) La déroute actuelle d'Izquierda Unida (le Front de Gauche espagnol) n'est pas étrangère à la catastrophe qu'a représentée la décision du PC, qui est aujourd'hui la force hégémonique dans IU, de sacrifier la mobilisation antifranquiste au consensus de la Transition. Héritage de ce crash historique, la politique d'atermoiements d'IU vis-à-vis du PSOE (allant jusqu'à faire alliance austéritaire avec lui en Andalousie) est percutée par la radicalité anticaste de Podemos.


Les candidatures citoyennes, héritières de l'esprit « indigné », sont les grandes gagnantes des municipales de dimanche, avec, en particulier, une victoire nette à Barcelone d'Ada Colau. La mairie de Madrid pourrait aussi basculer, à l'issue de négociations avec les socialistes. Ces succès vont relancer la dynamique Podemos d'ici aux législatives de la fin d'année.

Barcelone va devenir, avec une poignée d'autres villes, le laboratoire d'une autre manière de faire de la politique en Espagne. Quatre ans après le surgissement des « indignés » sur les places du pays en mai 2011, la candidature citoyenne emmenée par l'activiste Ada Colau, mêlant acteurs des mouvements sociaux et membres de syndicats et de partis politiques de gauche, est arrivée en tête des municipales dimanche à Barcelone, avec plus de 25 % des voix.

« Je veux devenir maire, pour qu'il n'y ait plus de citoyens de première et de seconde zone », a déclaré Colau dans la soirée, devant des centaines de personnes scandant « Si, se puede » (« C'est possible »), l'un des slogans du mouvement du 15-M (en référence au 15 mai 2011, date de l'occupation des places). « C'est une victoire collective », a rappelé celle qui vient de « sortir » le maire de Barcelone, Xavier Trias (CiU, nationalistes catalans de droite), qui obtient 22,7 %.  


Le succès de Barcelona en Comu, qui s'explique en partie par une forte mobilisation des quartiers populaires de la ville (progression de 6 % de la participation par rapport à 2011), n'est pas isolé. Dans la capitale, la candidature de Ahora Madrid, une autre de ces plateformes citoyennes, emmenée par la juge Manuela Carmena, longtemps donnée en tête pendant la soirée, décroche la deuxième place (31,9 %). Mais celle qui arrive première, l'ultra-droitière Esperanza Aguirre (34 %), au cœur de plusieurs scandales de corruption, est isolée et devrait avoir du mal à former une majorité absolue sur son nom. […]

Si la victoire de Colau face à Xavier Trias n'est pas une véritable surprise pour les observateurs (Colau était partie en campagne très tôt, en juin 2014, et sa campagne « prenait » depuis longtemps), le très bon résultat de Manuela Carmena, à Madrid, paraissait il y a encore un mois totalement hors de portée. Cette juge de 71 ans, connue pour ses combats pour les droits de l'homme, de la fin du franquisme jusqu'à la crise d'aujourd'hui, n'avait pas prévu de se lancer en politique, après avoir pris sa retraite. Mais elle s'est prêtée au jeu, inventant une forme de campagne inédite, faites de conversations à travers lesquelles elle a cassé un à un les codes de la « vieille politique » (lire notre reportage avec Manuela Carmena en mai 2015). Son score est d'autant plus remarquable qu'elle était aussi confrontée à une candidature d'une partie des écolo-communistes d'IU (4,1 %), désireux de conserver quelques sièges pour les barons locaux. […]

Au-delà de ces succès « indignés », quelles leçons tirer de ces scrutins ? Le Parti populaire (le PP de Mariano Rajoy, chef du gouvernement) perd beaucoup de terrain (en recul de dix points par rapport aux municipales de 2011), sans s'effondrer tout à fait (il reste le premier parti, avec 27 % des voix). Il essuie de sévères revers dans des territoires clés, notamment Valence, où il devrait perdre la mairie, et aura du mal à conserver la communauté autonome. Il pourrait aussi perdre l'Aragon, si le PSOE, Podemos et Ciudadanos s'entendent. Tout comme la mairie de Madrid. Il se maintient plutôt en Castille-La Manche, la région de sa secrétaire générale, Maria Dolores de Cospedal, mais le jeu des pactes pourrait, là encore, l'écarter du pouvoir. 

Le PSOE de Pedro Sanchez, lui, limite la casse face au surgissement des nouveaux partis, Podemos mais aussi Ciudadanos. Il obtient 25 % du total des votes aux municipales, contre 28 % environ lors du scrutin de 2011. Malgré ses échecs cinglants aux municipales à Madrid ou Barcelone, il reste devant Podemos dans les 13 communautés autonomes – un bon point qui devrait conforter l'autorité de Sanchez, un temps contestée, au sein du PSOE.  L'intégralité de l'article de Mediapart (accès réservé aux abonnés)

A lire aussi






  

Encore récemment, il aurait semblé impensable de pouvoir persuader les gouvernements d’éviter de tomber dans le piège de la croissance. Mais les gouvernements changent au gré des élections. Et la ferveur politique qui embrase l’Espagne aujourd’hui fait souffler un vent d’espoir. La décroissance figure déjà depuis un certain temps à l’ordre du jour de partis politiques comme Equo (les verts) et le parti Candidatura d'Unitat Popular (CUP), alors que Podemos a ouvertement critiqué l’obsession pour la croissance économique entretenue par les courants dominants. De plus en plus de gens sont montés aux créneaux, individuellement ou collectivement, pour dénoncer la croissance débridée et ses conséquences. Il est pas par hasard que, a Barcelone, la liste citoyenne et écolo (même decroissant, nous pourrions dire), Barcelona En Comú, a gagné les élections. La militant du droit au logement, Ada Colau, sera la première femme maire dans l'histoire de cette ville. Cliquer ici

 
 (article de janvier 2015)

Alors qu’un chômeur sur deux ne perçoit plus d’allocations, trente-trois des trente-cinq plus grandes sociétés espagnoles fuient l’impôt par le biais de filiales dans des paradis fiscaux. Un demi-million d’enfants ont été plongés dans la pauvreté depuis 2009, mais les grandes fortunes du pays prospèrent : leur patrimoine a bondi de 67 % en moyenne depuis l’arrivée de M. Rajoy au pouvoir. Et, pour contenir le danger de se voir houspillé par une population ombrageuse, depuis décembre dernier une loi dite « de sécurité citoyenne » interdit méthodiquement tout ce qui avait rendu possible la mobilisation de 2011 : réunion dans des lieux publics, distribution de tracts, occupation des places, etc.

Podemos estime que l’explosion de la bulle immobilière espagnole a brisé les bases matérielles sur lesquelles reposait le « consensus » inauguré par la Constitution de 1978, avec son pacte de transition, sa monarchie — à ce point discréditée désormais que Juan Carlos a dû céder le trône à son fils — et ses espoirs d’ascension sociale. « La crise économique, explique Lago, a provoqué une crise politique — le type de situation exceptionnelle qui constitue le préalable à toute transformation sociale profonde. » Après le processus « destituant » de mai 2011, l’heure serait venue d’engager un processus « constituant » : transformer l’Etat à partir de l’Etat. Cliquer ici

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