+ 1 million de chômeurs depuis 2012 !
A lire aussi
« Évidemment » pas question de revenir sur les cadeaux liés au crédit
d’impôt compétitivité emploi (CICE). Le cœur du projet en matière de
droit du travail consiste en l’abandon de la hiérarchie des normes, les
accords d’entreprises, de branches devant pouvoir prendre le pas sur les
dispositions légales. Dans le collimateur, la durée légale du travail à
laquelle il sera possible de déroger au prétexte de prétendues
difficultés de l’entreprise. Et, dans la foulée, l’organisation du
travail avec la multiplication des horaires mortifères. Cliquer ici
Jean-Denis Combrexelle a rendu mercredi son rapport sur la réforme du
code du travail, prélude officiel à une loi pour 2016. Au programme, une
révision de bout en bout du droit du travail, et une place centrale
donnée à l'accord d'entreprise. Sa capacité à agir sur le chômage est
largement contestée.
Manuel Valls, ainsi que Jean-Denis Combrexelle, auteur du rapport du
même nom, se sont livrés mercredi à un exercice d’équilibriste
terriblement périlleux : annoncer un bouleversement en profondeur des
règles qui régissent le monde du travail, assurer que les salariés
resteront également protégés, tout en admettant que les règles
nouvellement négociées pourraient leur être défavorables, à condition
que cela préserve l’emploi (le rapport peut être lu ici). Pour
faire passer la pilule, il a donc fallu marteler encore et encore
quelques idées longtemps réservées à la droite, mais désormais
compatibles avec le logiciel socialiste : « C’est un fait : le code du travail est devenu trop complexe, parfois illisible, a justifié le premier ministre. Il faut plus de latitude par rapport à la loi, et par rapport aux normes. » Il faut aussi parier davantage sur « la confiance » entre les partenaires sociaux, « en misant sur la proximité ». […]
La mission Combrexelle plaide aussi, comme le rapport Terra Nova, pour
que les accords de maintien dans l’emploi en cas de difficultés
économiques, autorisées depuis l’ANI 2013, puissent également être bien
davantage utilisés. Le refus volontaire du salarié de se plier à la
nouvelle règle commune sur le montant du salaire ou le temps de travail
pourrait se conclure par un licenciement, avec des indemnités moins
intéressantes que celles du licenciement économique, obligatoires
jusqu’ici. Ce n’est pas un détail : l’accord collectif primerait là
définitivement sur le contrat de travail individuel. […]
« […]La philosophie [de la réforme envisagée] repose sur une série de faux-semblants, argue Pascal Lokiec, professeur à l'université de Nanterre, auteur d'un ouvrage sur le code du travail. Et
en premier lieu cette idée que ce qui est négocié est forcément juste.
Ce n’est pas toujours le cas, du fait même de la relation employeur et
employés, de la faiblesse des organisations syndicales, mais aussi du
taux de chômage. On a donc absolument besoin des garde-fous que sont le
verrou de la loi ainsi que le principe de l’accord le plus favorable au
salarié, qui s’applique en priorité. » […]
Déni volontaire ou cécité maladroite, la mission Combrexelle et le
gouvernement ignorent a priori la multiplication des luttes sociales
dures, la répression syndicale qui s’accroît, et surtout la pression que
le chômage fait peser sur les collectifs de travail. […]
La mission Combrexelle n’est pas un simple instrument de fluidification
du dialogue social. C’est une loi en devenir qui sera examinée, selon
Manuel Valls, après consultation des partenaires sociaux en début
d’année 2016. Plus largement, le big bang est assumé. À tel point que
les auteurs rappellent la nécessité d’aller jusqu’à revoir l’article 34
de la Constitution qui stipule que la loi fixe les règles en ce qui
concerne le « droit du travail » et le « droit syndical », pour y
introduire les « principes de la négociation collective ». C'est un
véritable changement de modèle, d'orientation libérale, assumé comme tel
par le gouvernement, « étape majeure du quinquennat », a même annoncé Manuel Valls.
L'intégralité de l'article est à retrouver sur le site de Mediapart en cliquant ici. Accès réservé aux abonnés
cf « Reconstruire le Code du travail en 10 points prioritaires pour « travailler mieux, moins, tous et gagner plus »
L’arnaque : ou la diffusion du virus Ebola anti code du travail par Combrexelle. Cliquer ici
L’arnaque : ou la diffusion du virus Ebola anti code du travail par Combrexelle. Cliquer ici
Et aussi
Le code du travail passera-t-il par la case prison ?
Travailler
en prison, c'est bien sûr possible. Mais sans toucher le SMIC, sans
arrêt-maladie, sans assurance chômage, sans être syndiqué, sans droit de
grève, sans horaires de travail définis... Bref, sans les droits
sociaux fondamentaux, et tout cela sans raison apparente. Le conseil
constitutionnel examine la question mardi.
Johny M. n’a pas été licencié. Cela n’existe pas en prison. Il a été « déclassé d’emploi ». Il n’y paraît pas mais cette spécificité langagière souligne à elle seule l’absence du droit du travail dans les prisons françaises. Estimant que ce régime spécifique ou plutôt l’absence d’un régime bien défini était contraire à la constitution, l’Observatoire international des prisons (OIP) a décidé d’aider Johny M. et de l’appuyer dans le dépôt de sa question prioritaire de constitutionnalité qui sera examinée ce mardi 15 septembre par le conseil constitutionnel. Quelque 250 universitaires de renom ont également appuyé cette demande en signant une pétition qui souligne « l’occasion historique de revenir sur ce déni de droit ».
Car en théorie, un détenu n’est privé que de sa liberté d’aller et venir. Il n’est pas censé exercer « un travail sans droit et sans contrat », comme le regrette l’OIP. C’est cependant ce que sous-tend le troisième alinéa de l'article 717-3 du Code de procédure pénale, qui prévoit que « les relations de travail des personnes détenues ne font pas l'objet d'un contrat de travail », de sorte qu'elles ne bénéficient pas de la protection du Code du travail.
Les conséquences sont innombrables : pas de rémunération décente, pas de durée du travail définie, une flexibilité sans équivalent, pas de chômage, pas de médecine du travail, pas de représentants ou de syndicats, pas d’accident du travail ou d’arrêt-maladie, pas besoin d’un motif sérieux pour être licencié…
En clair, l'acte d'engagement, qui fait office de pseudo-contrat, « n'apporte aucune garantie, les personnes détenues restant soumises aux desiderata de l'administration pénitentiaire ou des entreprises, notamment en termes d'horaires, de rémunérations, et parce que la moindre plainte les expose au risque de perdre leur emploi », explique l’OIP. Le silence de la loi du 24 novembre 2009 sur les droits collectifs des prisonniers violerait les alinéas 5, 6, 7, 8, 10 et 11 du Préambule de 1946.
Quand il était contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue n’avait pas manqué de le souligner en estimant que le travail des personnes détenues dans les prisons françaises avait « des relents du XIXe siècle » et en questionnant : « Quelle nécessité de sécurité peut justifier l'ignorance des règles de droit commun en matière d'hygiène et de sécurité, en matière de relations du travail, en matière de durée du travail ? »
De son côté, l'ancien Défenseur des droits, Dominique Baudis, expliquait en 2013, dans un rapport sur son action auprès des personnes détenues, qu’à la différence de la France, « le droit syndical, le droit de grève et à la négociation collective sont reconnus sous différentes formes dans les prisons en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne ou encore en Italie ».
Philippe Auvergnon, directeur de recherche au CNRS, spécialiste du droit du travail et signataire de la pétition, rappelle qu’« historiquement, le travail forcé a fait partie de la peine. À tel point que formellement, l’obligation de travail en prison n’a été retirée des textes qu’en 1987, même si elle avait disparu depuis bien longtemps ». La logique serait toujours la même : « On continue d’ajouter quelque chose à la peine. On superpose des formes d’exclusions à un ensemble de privations : les prisonniers ne seraient pas dignes de partager les mêmes conditions que les autres travailleurs. »
Aujourd’hui, selon le juriste, « le travail serait plus perçu comme le sport, avec un objectif de pacification sociale. Alors que le travail est un instrument de dignité. Une rémunération doit permettre des conditions de vie meilleures, d’entretenir le lien social, d’envoyer un chèque à sa famille, à ses enfants, de garder le contact… ». Mais également de s’acheter des denrées alimentaires ou des produits d’hygiène supplémentaires.
Philippe Auvergnon n’en fait pas mystère : « La question centrale est celle de la rémunération. Je n’ai pas vu de témoignages de détenus se plaignant de ne pas disposer du droit de grève… » Aujourd’hui, « environ un tiers des détenus travaillent, rapporte le sociologue Fabrice Guilbaud. Mais ils n’ont pas de perspective : tout peut s’arrêter subitement. Sans compter qu’on trouve encore en prison des pratiques ancestrales comme celle du salaire à la pièce ! ».
Fabrice Guilbaud, qui a écrit sa thèse sur les ateliers pénitentiaires, indique que « ce sont souvent des petites entreprises, en bout de chaîne de la sous-traitance, qui ont recours à des prisonniers pour des travaux de petit conditionnement ou d’ensachage. La main-d’œuvre coûte beaucoup moins cher à l’entreprise que si elle avait recours à l’intérim ».
Une revalorisation du SMR en prison (seuil minimum rémunéré – l’équivalent de 45 % du SMIC) pourrait-elle faire fuir les entreprises ? Fabrice Guilbaud apporte une réponse plus globale : « Des enjeux de reconnaissance sociale se nouent autour du travail. Il permet d’avoir des fils avec le passé, l’avenir, de retrouver une forme de norme. Or aujourd’hui les détenus parlent d’exploitation, d’esclavage moderne. Il faut donc introduire du droit et pas du simili droit. »
Pour ces deux chercheurs, rien ne sert d’appliquer tel quel « le droit du travail de l’extérieur ». La prison répond à des enjeux de sécurité ou encore d’organisation, qui nécessitent des règles propres. Simplement faudrait-il se donner la peine de les penser afin de qualifier cette relation de travail et lui donner un encadrement suffisant. Pour ensuite aller au-delà du droit, et définir une véritable politique publique de l’emploi pénitentiaire. Cliquer ici
Johny M. n’a pas été licencié. Cela n’existe pas en prison. Il a été « déclassé d’emploi ». Il n’y paraît pas mais cette spécificité langagière souligne à elle seule l’absence du droit du travail dans les prisons françaises. Estimant que ce régime spécifique ou plutôt l’absence d’un régime bien défini était contraire à la constitution, l’Observatoire international des prisons (OIP) a décidé d’aider Johny M. et de l’appuyer dans le dépôt de sa question prioritaire de constitutionnalité qui sera examinée ce mardi 15 septembre par le conseil constitutionnel. Quelque 250 universitaires de renom ont également appuyé cette demande en signant une pétition qui souligne « l’occasion historique de revenir sur ce déni de droit ».
Car en théorie, un détenu n’est privé que de sa liberté d’aller et venir. Il n’est pas censé exercer « un travail sans droit et sans contrat », comme le regrette l’OIP. C’est cependant ce que sous-tend le troisième alinéa de l'article 717-3 du Code de procédure pénale, qui prévoit que « les relations de travail des personnes détenues ne font pas l'objet d'un contrat de travail », de sorte qu'elles ne bénéficient pas de la protection du Code du travail.
Les conséquences sont innombrables : pas de rémunération décente, pas de durée du travail définie, une flexibilité sans équivalent, pas de chômage, pas de médecine du travail, pas de représentants ou de syndicats, pas d’accident du travail ou d’arrêt-maladie, pas besoin d’un motif sérieux pour être licencié…
En clair, l'acte d'engagement, qui fait office de pseudo-contrat, « n'apporte aucune garantie, les personnes détenues restant soumises aux desiderata de l'administration pénitentiaire ou des entreprises, notamment en termes d'horaires, de rémunérations, et parce que la moindre plainte les expose au risque de perdre leur emploi », explique l’OIP. Le silence de la loi du 24 novembre 2009 sur les droits collectifs des prisonniers violerait les alinéas 5, 6, 7, 8, 10 et 11 du Préambule de 1946.
Quand il était contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue n’avait pas manqué de le souligner en estimant que le travail des personnes détenues dans les prisons françaises avait « des relents du XIXe siècle » et en questionnant : « Quelle nécessité de sécurité peut justifier l'ignorance des règles de droit commun en matière d'hygiène et de sécurité, en matière de relations du travail, en matière de durée du travail ? »
De son côté, l'ancien Défenseur des droits, Dominique Baudis, expliquait en 2013, dans un rapport sur son action auprès des personnes détenues, qu’à la différence de la France, « le droit syndical, le droit de grève et à la négociation collective sont reconnus sous différentes formes dans les prisons en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne ou encore en Italie ».
Philippe Auvergnon, directeur de recherche au CNRS, spécialiste du droit du travail et signataire de la pétition, rappelle qu’« historiquement, le travail forcé a fait partie de la peine. À tel point que formellement, l’obligation de travail en prison n’a été retirée des textes qu’en 1987, même si elle avait disparu depuis bien longtemps ». La logique serait toujours la même : « On continue d’ajouter quelque chose à la peine. On superpose des formes d’exclusions à un ensemble de privations : les prisonniers ne seraient pas dignes de partager les mêmes conditions que les autres travailleurs. »
Aujourd’hui, selon le juriste, « le travail serait plus perçu comme le sport, avec un objectif de pacification sociale. Alors que le travail est un instrument de dignité. Une rémunération doit permettre des conditions de vie meilleures, d’entretenir le lien social, d’envoyer un chèque à sa famille, à ses enfants, de garder le contact… ». Mais également de s’acheter des denrées alimentaires ou des produits d’hygiène supplémentaires.
Philippe Auvergnon n’en fait pas mystère : « La question centrale est celle de la rémunération. Je n’ai pas vu de témoignages de détenus se plaignant de ne pas disposer du droit de grève… » Aujourd’hui, « environ un tiers des détenus travaillent, rapporte le sociologue Fabrice Guilbaud. Mais ils n’ont pas de perspective : tout peut s’arrêter subitement. Sans compter qu’on trouve encore en prison des pratiques ancestrales comme celle du salaire à la pièce ! ».
Fabrice Guilbaud, qui a écrit sa thèse sur les ateliers pénitentiaires, indique que « ce sont souvent des petites entreprises, en bout de chaîne de la sous-traitance, qui ont recours à des prisonniers pour des travaux de petit conditionnement ou d’ensachage. La main-d’œuvre coûte beaucoup moins cher à l’entreprise que si elle avait recours à l’intérim ».
Une revalorisation du SMR en prison (seuil minimum rémunéré – l’équivalent de 45 % du SMIC) pourrait-elle faire fuir les entreprises ? Fabrice Guilbaud apporte une réponse plus globale : « Des enjeux de reconnaissance sociale se nouent autour du travail. Il permet d’avoir des fils avec le passé, l’avenir, de retrouver une forme de norme. Or aujourd’hui les détenus parlent d’exploitation, d’esclavage moderne. Il faut donc introduire du droit et pas du simili droit. »
Pour ces deux chercheurs, rien ne sert d’appliquer tel quel « le droit du travail de l’extérieur ». La prison répond à des enjeux de sécurité ou encore d’organisation, qui nécessitent des règles propres. Simplement faudrait-il se donner la peine de les penser afin de qualifier cette relation de travail et lui donner un encadrement suffisant. Pour ensuite aller au-delà du droit, et définir une véritable politique publique de l’emploi pénitentiaire. Cliquer ici
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