"Aux penseurs à grande vitesse, il opposait la « lente impatience » du militant"
Daniel Bensaïd est décédé le 12 janvier 2010 à Paris. Ces quelques lignes ont été publiées sur le site du Monde diplomatique le 14 janvier 2010.
Daniel est décédé. Intellectuel ?
Philosophe ? Certainement. Mais ces mots lui vont mal qui sont trop
souvent les masques grimaçants de la désinvolture et de l’imposture.
Théoricien reconnu, du moins par ceux dont la reconnaissance lui
importait, il était d’abord un militant. Deux faces pour un même visage
et pour une même politique : la « politique de l’opprimé ». Mais aussi
deux formes d’activité sous tension : tant il est vrai que le temps de
l’intervention n’est pas celui de la recherche et que le courage d’agir
ne se le laisse pas déduire de la soif de savoir.
Tardivement médiatisé, Daniel ne fut jamais un intellectuel médiatique : un intellectuel pour médias, en quête de leur consécration et bientôt prisonnier de leur logique. Celle-là même qui flatte les egos et dilate les nombrils. A l’individualisation médiatique de l’intellectuel, il opposait deux principes qui dessinent une figure sinon inédite du moins particulière de l’engagement. Un principe de responsabilité qui impose de mettre ses idées à l’épreuve d’une pratique collective ; un principe d’humilité qui rappelle que l’on ne pense jamais seul, mais toujours avec d’autres [1]. Aux penseurs à grande vitesse, il opposait la « lente impatience » du militant. Cliquer ici
Le site de Daniel Bensaïd
Bibliographie
De la trentaine de livres, qu’il a rédigés ou auxquels il a participé, on retiendra particulièrement (par un impossible choix) : Walter Benjamin, sentinelle messianique, éditions Plon, 1990. La Discordance des temps : essais sur les crises, les classes, l’histoire, Éditions de la Passion, 1995. Marx l’intempestif : Grandeurs et misères d’une aventure critique (XIXè, XXè siècles), Fayard, 1996. Le Pari mélancolique, Fayard, 1997. Le Sourire du spectre : nouvel esprit du communisme, éditions Michalon, 2000. Les Trotskysmes, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2002. Une Lente Impatience, éditions Stock, coll. « Un ordre d’idées », 2004. Un nouveau théologien : Bernard-Henri Lévy (Fragments mécréants, 2), Nouvelles Éditions Lignes, 2008. Politiques de Marx, suivi de Inventer l’inconnu, textes et correspondances autour de la Commune, Karl Tiré de la L et Friedrich Engels, La Fabrique, 2008 Marx, mode d’emploi, éditions La Découverte, 2009 (Avec Charb)
[1] Voir, par exemple ce qu’il déclarait lors d’un entretien accordé à Rue 89
Tardivement médiatisé, Daniel ne fut jamais un intellectuel médiatique : un intellectuel pour médias, en quête de leur consécration et bientôt prisonnier de leur logique. Celle-là même qui flatte les egos et dilate les nombrils. A l’individualisation médiatique de l’intellectuel, il opposait deux principes qui dessinent une figure sinon inédite du moins particulière de l’engagement. Un principe de responsabilité qui impose de mettre ses idées à l’épreuve d’une pratique collective ; un principe d’humilité qui rappelle que l’on ne pense jamais seul, mais toujours avec d’autres [1]. Aux penseurs à grande vitesse, il opposait la « lente impatience » du militant. Cliquer ici
Le site de Daniel Bensaïd
Bibliographie
De la trentaine de livres, qu’il a rédigés ou auxquels il a participé, on retiendra particulièrement (par un impossible choix) : Walter Benjamin, sentinelle messianique, éditions Plon, 1990. La Discordance des temps : essais sur les crises, les classes, l’histoire, Éditions de la Passion, 1995. Marx l’intempestif : Grandeurs et misères d’une aventure critique (XIXè, XXè siècles), Fayard, 1996. Le Pari mélancolique, Fayard, 1997. Le Sourire du spectre : nouvel esprit du communisme, éditions Michalon, 2000. Les Trotskysmes, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2002. Une Lente Impatience, éditions Stock, coll. « Un ordre d’idées », 2004. Un nouveau théologien : Bernard-Henri Lévy (Fragments mécréants, 2), Nouvelles Éditions Lignes, 2008. Politiques de Marx, suivi de Inventer l’inconnu, textes et correspondances autour de la Commune, Karl Tiré de la L et Friedrich Engels, La Fabrique, 2008 Marx, mode d’emploi, éditions La Découverte, 2009 (Avec Charb)
[1] Voir, par exemple ce qu’il déclarait lors d’un entretien accordé à Rue 89
Tiré de notre dernière Lettre d'Information NPA 34 autour des questions si actuelles de nationalité, identité, citoyenneté, République...
DOSSIER DANIEL BENSAID
DOSSIER DANIEL BENSAID
- La République inachevée – République sociale, République autoritaire et disciplinaire (ESSF)
- L’étranger, si lointain, si proche – Historiciser la nation, découpler nationalité et citoyenneté. Une Europe-cap (ESSF)
- Entretien autour de la crise de l’État-nation (ESSF)
- Notes sur la question nationale à l’occasion de la réédition des textes de Renan (36 thèses) (ESSF)
- Les nations entre cosmopolitisme et internationalisme – « la lutte des classes constitue le moyen terme nécessaire entre la nation et l’internationalisme » (ESSF)
- Nations, peuples, ethnies – Citoyenneté, nationalité, masses, race... (ESSF)
A lire aussi
Par Olivier Besancenot et Alain Krivine
Nos dossiers Alternative, Critique sociale et sociologie critique,
Culture,
Démocratie,
Utopies et alternatives, NPA
Le "peuple" mythifié comme un mais fendu en deux par la lutte des classes ...
Au même titre que la nation, le peuple est une figure typique du XIXe
siècle. Sous la Révolution française, il symbolise la fin de
l’assujettissement (au sens strict du terme) et l’accès insurrectionnel à
la citoyenneté. Sujet à éclipses et à absentements, ce peuple d’avant
la gangrène nationaliste existe d’abord en tant qu’événement, dans et
par son soulèvement, sa violence irruptive, ses journées libératrices.
Après Thermidor, l’Empire et la Restauration, son image n’est déjà plus
aussi innocente. Des fractures sanglantes divisent l’ancien tiers état
et révèlent les formes modernes de l’antagonisme de classes qui éclate
au grand jour en juin 1848. Renan ou Flaubert ont saisi sur le vif cette
déchirure définitive. L’élévation de la bourgeoisie « sortie du
peuple » d’un côté, la formation d’un prolétariat asservi à la machine,
de l’autre, fend en deux ce peuple « un et indivisible ». Aussi, sa
représentation romantique, telle que l’illustrent Michelet ou Hugo,
est-elle lourde d’ambiguïtés. Substance corporelle de la Nation ou de la
République, le peuple mythique devient le symbole pathétique de l’unité
perdue : « Un peuple ! Une patrie ! Une France ! Ne devenons jamais
deux nations ! » (Daniel Bensaïd : Nations, peuples, ethnies – Citoyenneté, nationalité, masses, race...)