La victimisation des policiers comme légitimation de l'état policier ! (Le point de vue d'Alain Brossat)
La police ? […] Qu'elle se taise et soit bannie de la vie publique et du débat politique !
Extrait : Nous vivons dans un monde légèrement déconcertant et tant soit peu clivé : les organes d'information de meilleure réputation peuvent d'une part y chroniquer les manifestations policières qui se sont multipliées après l'incident de Viry-Châtillon en les plaçant entièrement sous le régime du « ras-le-bol » (la grande souffrance) policiers, passant allègrement par pertes et profits le défi à la loi que constituent ces attroupements aux allures de putsch à blanc, et, de l'autre le procès d'un flic filmé en train d'asséner un violent coup de poing en pleine figure à un élève maîtrisé par deux de ses collègues... Ceci sans y trouver matière à un rapprochement de type politique entre ces deux plans de réalité. Il y aurait donc la police, comme part de l'Etat, à laquelle il peut arriver, de manière regrettable, d'être excessivement violente ; et puis il y aurait les policiers qui seraient, dans le contexte de déprime et de désorientation générales d'aujourd'hui, le corps exposé, souffrant, maltraité, stigmatisé par excellence.
Ce n'est là que le dernier en date des chapitres de ce « narratif » (comme on dit aujourd'hui) insistant qui, depuis quelques décennies, se destine, via les séries télévisées, les constructions victimistes du syndicalisme policier et la démagogie des ministres de l'Intérieur successifs, à conditionner l'opinion ; ceci de manière à ce que celle-ci envisage la vie sociale, publique, politique du point de vue policier, par les yeux de la police. La description des policiers en victimes accablées et boucs émissaires par élection est le dernier avatar de ce récit obstiné ayant vocation à éliminer le contrechamp dans lequel nous persistons à être sensibles à la violence du pouvoir, de l'Etat, ceci dans un temps où s'épaississent à vue d'oeil les traits autoritaires de ce dernier. Cliquer ici
Alain Brossat est philosophe. L'un de ses derniers textes est Ce pire qui nous inspire paru sur le site de Contretemps
Commentaire de Flic Flac
Sur FB on trouve ce commentaire d'une camarade du NPA 34 qui signe Dom Tondom : "La police est le bras armé de l'Etat... le pouvoir politique ne lui lâche pas les rênes parce qu'il est veule, mais parce que pour l'instant ça le sert ! Brossat souhaite que la police "fasse son boulot" (fin du texte) : une analyse du rôle de la police montre que son souhait revient à laisser les choses en l'Etat, la police ayant été créé pour réprimer les luttes des travailleurs." Le souhait que "la police fasse son boulot" formulé en conclusion du billet est en effet très discutable, sans que cela invalide la pertinence du reste de l'analyse, car il suppose qu'il faudrait obtenir de la police un retour à une activité supposée indépendante des missions de maintien de l'ordre capitaliste. Or, ce que, par ailleurs, Alain Brossat décrit avec force dans son billet, l'aggravation d'une politique d'Etat antipopulaire, est justement cela, qui implique au demeurant qu'on le dénonce spécifiquement : un approfondissement du rôle de toujours de la police, celui d'un instrument d'une domination de classe. La particularité du moment qui donne ce côté inédit de la répression policière est que la "gauche" au pouvoir met en marche le passage à un état ... policier : exeunt les "apparences" d'un Etat démocratique qui, tout de même, il convient de le rappeler est né du coup de force gaulliste de 1958 opéré avec...l'appui de l'armée et s'est institutionnalisé sous la forme de l'actuelle Ve République (13 mai 1958, le coup d'état à l'origine de la Ve République). Le recours systématique au 49.3 exprime parfaitement, en même temps que la reformulation en cours de l'usage de la violence policière, que cet Etat sait adapter ce fonds autoritaire inscrit dans ses mécanismes internes aux exigences du moment de la domination capitaliste : le démantèlement de l'ensemble des droits sociaux et démocratiques qui lui avaient été malgré tout arrachés et avaient été maintenus, vaille que vaille, par le rapport de force issu de la Libération. L'offensive contre le code du travail et l'accentuation de la répression policière mais aussi judiciaire qui l'accompagne sont les deux faces de la même monnaie politique. Et il est illusoire de penser que la police puisse faire un autre "boulot" que celui qui, d'une façon ou d'une autre, lui est de toujours dévolu.
Flic Flac : Onomatopée. S'emploie pour transcrire le bruit répété d'un liquide, d'un objet flexible qui en frappe un autre (fouet, gifle, etc.).
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« Nous découvrons que nous avons une génération d’agents qui communique par les réseaux sociaux, avec tout ce que cela comporte de fausses informations, de rumeurs et de tentatives d’immixtion de l’extrême droite, sans aucun signe de prise en main pour l’instant », remarque un cadre au sein du ministère.


Extraits tirés de Police: la colère de la base ne passe pas (article accessibles aux abonné-es de Mediapart). Illustrations par NPA 34.
Et aussi

Au contraire, le capitalisme n’a jamais cessé d’être profondément autoritaire et anti-démocratique. Ce qui a pu varier au cours de son histoire, ce ne fut jamais la présence ou non de l’arbitraire et de la violence – logés au cœur même du mode de production capitaliste sous la forme de ce que Marx nommait le « despotisme d’usine », ou plus largement de la subordination des travailleurs aux propriétaires capitalistes –, mais le degré d’arbitraire du Capital et le niveau de violence de l’État capitaliste vis-à-vis des salariés mais aussi des petits paysans, dont on sait avec quelle brutalité ils furent (et sont) expropriés. Qu’on relise s’il est besoin les pages consacrées à l’accumulation primitive dans le livre 1 du Capital. Cliquer ici
Et encore
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