« C’est simple : aujourd’hui,
l’agriculture est la variable d’ajustement de l’urbanisation. »
Le foncier est devenu un enjeu majeur dans l’Hérault, suffisamment pour que le préfet réunisse les élus des collectivités et des organismes agricoles sur le sujet début janvier. Le but est de tirer la sonnette d’alarme : près 17 000 hectares de terres ont été artificialisées au cours des trois dernières décennies dans le département. Cliquer ici
Le marché du foncier joue l'urbanisation contre l'écologie et l'agriculture
Avec la pression foncière, la
terre prend de la valeur et, qui sait, sera peut-être rendue
constructible un jour. Dans ce cas, la valeur du terrain peut être multipliée par 80 ! La pression foncière liée au développement urbain rejaillit sur le foncier agricole. »
Résultat : peu de terres à la vente, ce qui entraîne une hausse des prix pour les rares terres qui le sont encore. Et voilà comment le département n’a pu installer qu’une centaine de jeunes agriculteurs en 2016, alors qu’il y avait 700 demandes et que 300 à 350 agriculteurs sont partis à la retraite cette même année…
Les propositions de la Confédération Paysanne (février 2016)
Résultat : peu de terres à la vente, ce qui entraîne une hausse des prix pour les rares terres qui le sont encore. Et voilà comment le département n’a pu installer qu’une centaine de jeunes agriculteurs en 2016, alors qu’il y avait 700 demandes et que 300 à 350 agriculteurs sont partis à la retraite cette même année…
Les propositions de la Confédération Paysanne (février 2016)
Le cas du projet Oxylane (Décathlon) de Saint-Clément de-Rivière au nord de Montpellier
L’implantation du projet Oxylane sur l’emprise du domaine agricole historique des Fontanelles
ne nous paraît pas acceptable. La vocation agricole de ces terrains est
clairement sous-estimée à tort dans le dossier : les terres sont dites
« à l’abandon ». Cet abandon est attribué à une tendance générale à la
baisse des surfaces agricoles dans la région, ce qui est une grossière
erreur d’appréciation. Les terrains dont il est question ici étant bien
desservis et de bonne qualité, ils ne sont pas concernés par
« l’abandon » de l’activité agricole. Ces terrains ne sont très
probablement pas cultivés du fait de la connaissance par le propriétaire des projets en cours sur son propre terrain.
Sans autre perspective que la vente, il est évident qu’il ne va pas
planter des vignes, par exemple, dont les premiers rendements
nécessitent plusieurs années de soins. Par ailleurs, à l’heure actuelle,
plus de 19 ha sur les 23,5 ha du site choisi sont toujours en très bon
état pour être cultivés, soit environ 90 %. Or dans le projet cette surface cultivable se réduit à 4 ha !
Cette surface ridicule et isolée dans une matrice urbaine ne permettra
pas une gestion rationnelle de l’espace agricole et ne peut avoir qu’une
fonction décorative.
3. Vers une poursuite illimitée de l’étalement urbain
3. Vers une poursuite illimitée de l’étalement urbain
On remarquera que Saint Clément de Rivière fait partie de ces villes qui se sont spécialisées dans l’habitat individuel extensif pour personnes aisées,
mode de développement extrêmement consommateur d’espace et de
ressources naturelles, avec le record du nombre de piscines à l’hectare,
et d’innombrables constructions de villas en pleine forêt au mépris du
risque incendie. Cette manière de développer la ville est aujourd’hui condamnée partout et ne s’inscrit aucunement dans la transition écologique.
Il semble qu’il soit question de créer une continuité urbaine de
Montpellier – Saint-Clément – Saint-Gély-Du-Fesc sur l’axe de la RD986.
Cette continuité aura pour conséquence directe et indirecte une
accélération et une légitimation de la destruction des terres agricoles
alentour, au profit du logement péri-urbain.
Quelle est la cohérence territoriale d’un tel projet ? Il est permis de poser la question de l’existence d’une limite à l’étalement urbain.
Doit-on considérer ce fait comme inéluctable ? Dans ce cas, jusqu’où
va-t-on urbaniser et dans quel type d’environnement vivront les
habitants dans 10 ou 20 ans ? Malgré les beaux discours, nous constatons
que rien ne change : bétonnisation des dernières ceintures vertes,
grands projets inutiles, multiplication des ZAC, habitat pavillonnaire… La totalité de l'article
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Et aussi
Le dossier de la revue L'Anticapitaliste (NPA) sur la paysannerie
Le retour à la terre des capitalistes
Une
agriculture capitaliste, ça n’est pas seulement des paysans
propriétaires exploités par les marchands d’intrants et de machinisme,
par les banques, les industriels et la distribution. Même si ces
fonctionnements classiques se perpétuent et se renforcent du fait de la
concentration en aval et en amont de la production, concentration
jusqu’à présent bien plus rapide que celle des fermes, il y a du nouveau
dans le monde agricole, au point qu’on peut y voir l’amorce d’une
rupture dans l’histoire des rapports entre le capitalisme et la terre. Cliquer ici
Depuis quelques années se développe en France une agriculture
capitaliste, avec un décalage par rapport à d’autres pays qui s’étaient
engagés plus tôt dans cette voie. Pour comprendre ce retard, si on peut
dire ainsi, il faut revenir à l’Histoire.
En mettant fin à la
propriété seigneuriale de l’ancien régime, la Révolution française a
favorisé la petite propriété plutôt que les grandes exploitations
latifundiaires qui prédominaient en Europe du sud. Tous les paysans
n’ont pu acquérir suffisamment de terres ; le fermage (location payée en
argent) et le métayage (partage de la récolte avec le propriétaire)
complétaient le faire-valoir direct (la terre qui appartient à celui qui
la cultive). Les petits paysans complétaient leurs revenus en
travaillant chez les plus gros. Mais cette combinaison s’inscrivait dans
le cadre d’une exploitation familiale autonome. La polyculture élevage
prédominait, qui occupait toute la famille et souvent des domestiques,
les valets de ferme. La nourriture provenait de l’exploitation,
confinant parfois à l’autarcie. Cliquer ici
Les crises se succèdent dans l’agriculture, une production après
l’autre, la dernière en date ayant été celle du cochon. Leurs mécanismes
et modes de résolution diffèrent de ceux de l’industrie, mais les
logiques capitalistes n’y sont pas moins déterminantes.
Quand
les producteurs de porc descendent dans la rue pour réclamer des prix
qui couvrent les coûts d’exploitation et leur permettent de vivre, ils
ne font que défendre leur droit à un emploi et à un salaire décent, un
combat dont nous sommes solidaires. Cette solidarité est un préalable à
toute intervention sur une autre agriculture si nous voulons être
entendus. Certains paysans gagnent bien leur vie, mais d’autres sont
réellement en faillite. Cliquer ici
Les débats sur l’agriculture évacuent souvent les salarié(e)s,
soit près d’un million de permanents et de saisonniers dans les
exploitations agricoles, dans les entreprises agroalimentaires, les
négoces et les coopératives. On s’intéresse à juste titre aux
difficultés des agriculteurs, moins aux salaires et aux conditions de
travail de cette partie du prolétariat
Jadis presque chaque
ferme avait ses valets et embauchait des journaliers au moment des
récoltes. La mécanisation est passée par là, accélérée par la pénurie de
main-d’œuvre due à l’hécatombe de 1914-1918 et par l’exode rural. La
tendance s’est inversée. L’agrandissement des exploitations exige
davantage de main-d’œuvre, notamment en élevage mais aussi en
horticulture. Les céréaliers emploient peu de salariés permanents mais
ont recours à des entreprises de travaux pour les labours, les semailles
et les moissons. Or les aides familiaux ne sont plus au rendez-vous,
conjoints et enfants exerçant d’autres métiers. La volonté des femmes de
s’affranchir de l’esclavage qu’ont connu leurs mères et de disposer
d’une indépendance financière n’y a pas été pour rien. Les saisonniers
restent nombreux lors des vendanges et des cueillettes. Cliquer ici
Des grosses exploitations compriment leurs charges par des économies
d’échelle : le coût à l’hectare ou à la vache est moindre quand on en a
des centaines. La répartition des aides favorise les plus gros. À
l’autre extrémité, on trouve, en bio comme en conventionnel, des fermes
qui bénéficient de marchés porteurs et évitent d’engraisser trop
d’intermédiaires grâce à la vente directe ou à des réseaux alternatifs :
une solution qui marche mais ne peut guère s’étendre du fait du pouvoir
d’achat en berne et de la disparition des outils de transformation de
proximité.
Arrêter la casse et favoriser des installations passe par la garantie d’un revenu suffisant. Éviter les faillites exige de questionner l’endettement et pourquoi pas d’annuler les dettes quand les banquiers se sont bien gavés. Équilibrer les marchés, maîtriser la production, sans doute, mais aussi redéployer les aides directes qui sont un salaire camouflé et inégalitaire. Leur montant total permettrait de financer un vrai salaire par actif agricole, rémunérant les services de production et de protection de l’environnement. C’est au moins une piste à explorer. Cliquer ici
Chronique de l'utopie concrète
Passer tendanciellement d'une société de consommateurs à une société de producteurs d'une partie de ce qu'ils/elles consomment...
Et encore
Suite aux transformations intervenues dans les politiques publiques,
les exploitations familiales peinent à se reproduire et participent à
l’activation de rapports économiques proprement capitalistes. En
recourant à la prestation de service par exemple, ces exploitations
deviennent des clientes des grandes exploitations capitalistes en même
temps qu’elles mettent à disposition la terre nécessaire à leur
expansion. À l’avenir, avec des exploitants vieillissants sans repreneur
et le retour de la rente à travers les aides directes, il se pourrait
que la délégation à des prestataires soit totale. Certains prestataires
proposent déjà ce service : une prise en charge de A à Z de la
production à la commercialisation, transformant l’exploitant en rentie
La partie de la profession agricole la plus nantie réclame la poursuite de ce mouvement. Bien représentée au sein de la SAF (Société des Agriculteurs de France), elle souhaite « substituer à l’installation l’emploi salarié comme priorité » (SAF, 2009, p. 67) et mettre un terme à « la discrimination à l’encontre des sociétés » (ibid. p. 69). La loi d’orientation du 6 janvier 2006, lui apporte satisfaction car « pour la première fois, le caractère « unique » du modèle de l’exploitation « familiale » est ouvertement remis en cause » explique l’économiste Hubert Cochet (2009, p. 27). Cette réforme offre en effet un cadre juridique à l’approfondissement des mutations en cours. La constitution d’un véritable statut de l’entreprise agricole devrait faciliter la pénétration du capital tandis que l’assouplissement du contrôle des structures lève les dernières entraves à l’expansion. Enfin, les assolements collectifs – contrepartie de la prestation de service – pratiqués majoritairement par des exploitations capitalistes sont légalisés.
La partie de la profession agricole la plus nantie réclame la poursuite de ce mouvement. Bien représentée au sein de la SAF (Société des Agriculteurs de France), elle souhaite « substituer à l’installation l’emploi salarié comme priorité » (SAF, 2009, p. 67) et mettre un terme à « la discrimination à l’encontre des sociétés » (ibid. p. 69). La loi d’orientation du 6 janvier 2006, lui apporte satisfaction car « pour la première fois, le caractère « unique » du modèle de l’exploitation « familiale » est ouvertement remis en cause » explique l’économiste Hubert Cochet (2009, p. 27). Cette réforme offre en effet un cadre juridique à l’approfondissement des mutations en cours. La constitution d’un véritable statut de l’entreprise agricole devrait faciliter la pénétration du capital tandis que l’assouplissement du contrôle des structures lève les dernières entraves à l’expansion. Enfin, les assolements collectifs – contrepartie de la prestation de service – pratiqués majoritairement par des exploitations capitalistes sont légalisés.
Le productivisme est donc tout sauf mort. Avec la libéralisation des marchés agricoles, la course aux gains de productivité n’a pas de raisons de s’arrêter, pas davantage que la diminution du nombre des actifs agricoles (-2,5% par an). Sa base sociale est néanmoins sur le point de changer. À moins que les agriculteurs forment des collectifs de travailleurs (des firmes autogérées) disposant d’un apport en fonds propre et d’une capacité d’endettement suffisantes pour se passer du capital et rivaliser sur le marché, on ne voit pas ce qui empêchera, à terme, que le développement agricole soit pris en charge par des exploitations capitalistes. Cliquer ici
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NPA 34, NPA