Ils/elles croient avoir gagné la partie, vite, il faut les détromper !
A lire à la suite de ces lignes
Point de vue. La pyramide n'est pas une figure de l'émancipation ! (Antoine)
Jean-Yves Dormagen est professeur en sciences politiques à l'Université de Montpellier. Avec Céline Braconnier, il est co-auteur de "La démocratie de l'abstention" aux éditions Folio Gallimard.
En fait il y a une montée de l'abstention de longue durée. Il y a eu moins d'inscriptions sur les listes électorales. La participation à la Présidentielle était déjà en recul par rapport à 2012, elle-même en recul avec celle de 2007. Il y a eu une poussée abstentionniste dès le premier tour de la Présidentielle qui laissait anticiper cette chute aux Législatives. D'ailleurs l'abstention progresse sans exception à chaque Législative depuis 1988. Toutefois la progression est exponentielle. On atteint les niveaux des Européennes pour élire les députés.
[…] L'abstention est très régulière et prévisible. L'électorat se divise en trois blocs. Le premier, minoritaire : 10% des électeurs ne votent jamais. Le second composé de 40 à 45% d'électeurs qui votent toujours. Le troisième d'électeurs qui votent occasionnellement et de plus en plus uniquement à la Présidentielle. Dans le bloc qui vote toujours, on trouve les seniors ainsi que les plus diplômés et les catégories supérieures.
A l'opposé, dans le bloc qui vote peu, il y a les jeunes, les non diplômés, les ouvriers, les chômeurs, bref les plus fragiles.
Au second tour des Législatives, 70% des 18-24 ans n'ont pas voté, de même que 70% des ouvriers. Il y a 20 points d'écart de participation entre les gens qui gagnent moins de 1 200 euros par mois et ceux qui gagnent plus de 3 000 euros. L'abstention touche en premier la jeunesse et les classes populaires. La participation électorale est déterminée socialement. Cliquer ici
Illustration par NPA 34
Point de vue. La pyramide n'est pas une figure de l'émancipation !
"Les gens qui ont voté Mélenchon ou Le Pen ne sont pas devenus En Marche en un mois. Simplement ils ne sont pas allés voter." (Jean-Yves Dormagen)
Laissons de côté, en cet instant, un FN provisoirement dans les choux, et posons-nous la question importante pour construire le cercle vertueux d'une mobilisation à opposer à ce nouveau gouvernement au paradoxe inquiétant de n'avoir pas de légitimité électorale mais de se préparer à porter la pire attaque contre les droits sociaux et les libertés : pourquoi la belle mobilisation insoumise de la campagne de la présidentielle accouche-t-elle, victime de l'abstention, de la souris d'une élimination au premier tour de ladite présidentielle et d'une dérisoire (au vu des enjeux) représentation parlementaire ?
Expliquons-nous : la machine de guerre électorale, bâtie autour d'une figure charismatique totalement raccord avec la logique de la Ve République, a laissé poindre l'espoir que c'est ainsi que l'on joue le système contre lui-même. Et cela finalement à peu de frais : au contraire du coût qu'induisent des mobilisations sociales (pertes de salaire pour fait de grève, violences policières subies, etc.), des bulletins déposés le jour J dans les urnes dans la continuité de massifs rassemblements de quelques heures, corrélés à la force de persuasion d'un candidat évidemment sublime, sont apparus à beaucoup comme la voie royale pour obtenir le grand changement. Sans grand chambardement en attendant le chamboulement suprême de la 6e république ! Magie d'une révolution par les urnes parachevant une mobilisation contre la loi "travail" superbe mais orpheline du résultat visé, l'abrogation de la maudite loi !
Mais voilà, à avoir orienté une nouvelle fois (cf la présidentielle de 2012 posée comme revanche quasi assurée de l'échec du mouvement des retraites de 2010) vers les élections, le mélenchonisme, délesté cette fois des pesanteurs et compromissions cogestionnaires (avec le PS) du Front de Gauche, a renouvelé l'erreur de fond électoraliste : la sous-estimation de la capacité du système à maîtriser son terrain de prédilection, celui de la convocation de chacun-e, atomes détachés des processus moléculaires des luttes sociales, vers le jamais si bien nommé isoloir. Par où il a toujours un temps d'avance sur ceux et celles qui jouent au plus fin avec lui. Avec quelle maestria il a su, en un rien de temps, carboniser celui qui s'était déjà magnifiquement grillé à le servir à plat ventre (le hollando-vallsisme) et sortir un atout maître, qu'il avait précautionneusement placé dans sa manche (le macronisme), dès que l'option initialement retenue (le thatchero-fillonisme) a plongé dans le discrédit total...
La pyramide électoraliste se résorbe dans le cercle de l'impuissance...Oeuvrons en autoémancipation à lancer la spirale ascendante des luttes !
Antoine
A lire aussi
PROFIL DES ABSTENTIONNISTES
C’est une habitude, les abstentionnistes
ont une nouvelle fois été particulièrement nombreux chez les jeunes et
les moins favorisés. Près de 30% des moins de 35 ans
(29% chez les 18-24 ans, 28% des 25-34 ans) ne se sont pas déplacés pour
ce 1er tour de la Présidentielle 2017, pour comparativement 16% chez
les 60-69 ans et 12% chez les électeurs de plus de 70 ans. En termes de
catégories socioprofessionnelles, on recense également 29%
d’abstentionnistes chez les employés et les ouvriers, pour 21% chez les
cadres et 22% chez les professions intermédiaires. L’abstention a également dépassé les 25% sur l’ensemble des salariés et des personnes au chômage. Il faut se tourner vers les retraités pour trouver une participation sensiblement plus forte, de 87% contre 13% d’abstention.
Sur ce scrutin, on relève que la
participation évolue presque linéairement avec le niveau de revenus du
foyer : on est à 70% chez les électeurs dont le niveau de revenu du
foyer est inférieur à 1250€ par mois, 76% dans la tranche 1250€-2000€,
80% dans la tranche de 2000 à 3000€, 84% au sein des foyers qui
disposent d’un revenu mensuel supérieur à 3000€. 28% de ceux qui déclarent « s’en sortir très difficilement avec les revenus du ménage » ne sont pas allés voter, contre 18% chez ceux qui déclarent s’en sortir « facilement ».
En termes de proximité partisane, la
participation a été la plus forte chez les proches d’En Marche (88%) et
des Républicains (89%), pour 83% chez les sympathisants PS et 85% chez
les proches du FN. Le léger différentiel de participation en faveur de
la droite est confirmé par une question d’autopositionnement politique :
88% de ceux qui se situent plus ou moins à droite sont allés voter, contre 83% de ceux qui se déclarent de gauche. Cliquer ici
Et aussi
Au 1er tour (avec les non-inscrits)...
Au final (sans les non-inscrits)
La crudité des chiffres absolus
Pour 47 292 967 inscrits...
LREM (Macron) et le Modem cumulés mobilisent 8 927 222 voix
LR : 4 040 016
FN : 1 590 858
PS : 1 032 985
FI (Mélenchon) et PC : 1 101 619
"L'abstention,
dans la force politique qu'elle a exprimée et qui est la seule à
bousculer sur le fond la prétention des nouveaux gouvernants à avoir
reçu l'onction électorale, mais aussi dans sa
faiblesse d'être dépourvue de levier politique finissant le travail
amorcé de déstabilisation des "vainqueurs", reste bien l'atout majeur
sur lequel tout mouvement social décidé à aller jusqu'au bout doit
compter. Le dire ne règle rien, ne pas s'atteler (tous ensemble,
Insoumis, NPA, libertaires, "autonomes", syndicalistes, associatifs,
écolos, zadistes, "sans appartenance"...) à la tâche de le faire advenir
radical acteur social et politique, encore moins !" Cliquer ici
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