Violentes agressions à
              l’hôpital psychiatrique de Montpellier : 
les soignants mettent en cause le manque de personnel
les soignants mettent en cause le manque de personnel
C'est une réalité qui se généralise partout en France : du fait des lois Bachelot et Touraine, plus de 22000 postes et 16000 lits vont être supprimés dans les hôpitaux français. A l'hôpital psychiatrique de la Colombière à Montpellier, ce sont les soignants qui en font les frais au travers de violentes agressions de la part des patients. La semaine dernière, des salariés mobilisés ont envahi le CHSCT pour tenter de se faire entendre par leur direction.
Fracture
        du plancher orbital, entorse cervicale, marques de
        strangulation, hématomes et traumatismes : c'est ce qui guette
        au quotidien le personnel de l'hôpital psychiatrique de La
        Colombière, faute de disposer des effectifs et des lits
        suffisants pour accueillir les patients dans de bonnes
        conditions. La double peine, c'est qu'une fois l'agression
        vécue, c'est la croix et la bannière pour les personnes pour
        bénéficier d'une prise en charge médicale et judiciaire
        correcte, et ce malgré les protocoles censés encadrer les
        accidents.
Il
        y a quinze jours, ce sont deux infirmiers qui ont été violemment
        agressés : le premier a failli perdre son œil tandis que la
        seconde souffre de multiples hématomes, conséquences des coups
        de poings qu'elle a reçus. Aux urgences, après s'être vu
        diagnostiquer une fracture du plancher orbital, le salarié s'est
        entendu dire qu'il devait retourner travailler, et qu'il n'avait
        « qu'à ne pas se faire taper sur le même œil »... Il lui a
        ensuite fallu tenter plusieurs commissariats et gendarmeries
        pour réussir à faire enregistrer sa plainte. Quant à sa
        collègue, elle s'est également vu refuser le dépôt de plainte
        sous prétexte qu'elle n'avait pas de séquelle grave.
Cet
        accident n'est pas un événement isolé, les soignants en
        témoignent : à La Colombière, il ne se passe pas une semaine
        sans qu'une équipe soignante se prenne un coup – sans compter
        les innombrables agressions verbales. Les agressions
        n'atteignent pas toutes le même degré de violence ; mais combien
        en faudra-t-il pour que la direction prenne le problème à bras
        le corps ? Le 24 décembre, une infirmière se trouvant seule dans
        la pièce commune avait, pour sa part, été plaquée contre un mur
        par un patient, strangulée, puis frappée à coups de poings sur
        le thorax et dans le haut du cou. Mais un 24 décembre à 18h, il
        n'y a pas de médecin dans le service : la psychiatre de garde
        n'avait alors pas voulu se déplacer, ni pour venir voir le
        patient agité, ni pour ausculter l'infirmière agressée ou
        s'entretenir avec elle. Seule l'interne de garde était venue,
        mais elle ne pouvait pas établir de certificat d'arrêt de
        travail et d'accident de travail. C'est donc seulement le
        lendemain, 25 décembre, que l'infirmière s'est rendue aux
        urgences, sur son temps de repos, car trop la douleur au cou
        était trop intense. Diagnostic : entorse cervicale. Sous
        traitement à base d'opium et paracétamol, et équipée d'une
        minerve, la salariée s'est alors entendu dire par le médecin
        qu'il ne lui ferait pas d'arrêt de travail parce qu'elle était
        « en capacité de travailler », malgré la douleur et le
        traumatisme psychique... Une fois de nouveau au travail, c'est
        finalement la psychiatre de garde de La Colombière qui acceptera
        de délivrer à l'infirmière un certificat d'accident de travail
        avec arrêt de travail pour 15 jours ; avec les renouvellements,
        l'arrêt durera au total deux mois. L'infirmière portera la
        marque de la strangulation pendant un mois.
      
Normalement,
        chaque agression doit être signalée à la direction via une fiche
        d'évènement indésirable remplie sur l'intranet. Mais les agents,
        ne recevant pas de réponse, ou une réponse identique à chaque
        fois, ne le font même plus. C'est tout bénéfice pour la
        direction, qui peut alors se bercer de l'illusion que les
        agressions diminuent.
Travailler
          en hôpital psychiatrique condamne-t-il à subir ce niveau de
          violence ?
La
        Colombière est certes un hôpital psychiatrique, accueillant des
        hommes et des femmes en souffrance psychique, et dont certains
        peuvent de ce fait passer par des crises les amenant à être
        violents. La fréquence des agressions et le niveau de leur
        violence ne sont cependant pas une fatalité : la protection des
        personnels soignants passe ainsi par la qualité des soins
        dispensés aux patients. Mais en diminuant le nombre de postes
        tout en augmentant le nombre de patients accueillis, on peut
        évidemment s'attendre à une explosion des agressions.
      
Les
        services psychiatriques comportent en effet la particularité de
        disposer de chambres d'isolement ou d'apaisement, en service
        fermé, prescrites pour des patients qui le nécessitent. Ces
        patients sont vus deux fois par jour et peuvent à tout moment
        retourner dans leur chambre normale. Mais de plus en plus, les
        personnels soignants doivent admettre des patients en
        « surnuméraire », c'est-à-dire des patients supplémentaires
        admis sur les chambres normales des patients placés en chambre
        d'isolement. Pas besoin d'avoir fait l'ENA pour comprendre qu'il
        y a alors plus de patients que ce que ne le prévoient les lits
        disponibles et les effectifs soignants ; en outre, le fait que
        les patients en chambre d'isolement doivent alors y être
        maintenus alors qu'ils n'en nécessitent plus l'usage pose des
        problèmes d'éthique évidents. Tout cela augmente le risque de
        passage à l'acte et le niveau de tension psychique dans les
        unités fermés. Le problème vient donc bien d'un manque
        d'effectif et de moyens, et non d'une spécificité liée au
        travail en établissement psychiatrique.
Mobilisation
          des personnels : une première action qui doit montrer la voie
Jeudi
        dernier, à l'appel de la CGT, suivie par Sud et FO, c'est donc
        près de 80 travailleurs de La Colombière qui se sont réunis à 8h
        dans la cour d'honneur, puis ont envahi ensemble la séance du
        CHSCT afin de se faire entendre de la direction. Les
        revendications sont claires : arrêt du fonctionnement en
        surnuméraire, embauche de personnels pour revenir à des
        effectifs dignes de ce nom, meilleure formation des nouveaux
        soignants pour les accompagner de façon adéquate dans une
        période où la spécialisation psychiatrique a été réduite à peau
        de chagrin dans les formations initiales.
Les
        lois successives sur la santé ont déshumanisé le soin et sont en
        train de broyer tant les personnels hospitaliers que les
        patients. Mais la direction locale de La Colombière, en tant que
        décisionnaire, a aussi ses responsabilités. Jeudi dernier, elle
        s'est néanmoins contenté de maigres promesses. Rejetant toute
        idée d'embauches supplémentaires, la direction s'est engagée à
        faire le point sur les formations à suivre pour les personnels
        qui débutent dans le domaine, à renforcer la prise en charge par
        la médecine du travail et les possibilités de porter plainte,
        ainsi qu'à rappeler aux cadres, médecins et directeurs de garde
        que le surnuméraire doit être évité le plus possible, et à leur
        demander d'essayer de renvoyer les patients sur d'autres
        hôpitaux... 
Il
        va falloir maintenant être vigilant quant à la mise en œuvre de
        ces annonces et à la mesure de ces résultats, et ne pas hésiter
        à durcir l'affrontement si les choses ne bougent pas.
Lise Carre, Bati D'Alandu et
          Dom Thomas. Correspondance NPA34 













