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Leila, la Syrienne, son malheur, sa rage...

 

 Leila, la Syrienne, son malheur, sa rage, son désespoir
... et la débandade politique de la gauche occidentale proAssad


 L'« anti-impérialisme » des imbéciles est celui pour qui l’« impérialisme » équivaut uniquement à l’action des États-Unis. Ces derniers bombardent pourtant la Syrie depuis 2014. Lors de la campagne américaine visant à libérer Raqqa de l’emprise de Daesh, toutes les normes internationales de la guerre et les considérations de proportionnalité ont été bafouées. Plus de 1000 civils ont été tués et selon une estimation de l’ONU, 80 % de la ville se trouve maintenant inhabitable. Il n’y a eu aucune protestation organisée par le mouvement « anti-guerre » contre cette intervention, pas d’appels pour s’assurer que les civils et infrastructures civiles seraient protégés. Cet anti-impérialisme là a préféré adopter le discours de la guerre au terrorisme autrefois promu par les néoconservateurs et repris maintenant par le régime qui qualifie de djihadiste et terroriste toute opposition à Assad. Il a fermé les yeux sur le fait qu’Assad envoyait dans ses goulags des milliers de manifestants laïques, pacifiques et pro-démocratie afin de les torturer à mort tandis qu’il sortait les militants islamistes de prison. De même, les manifestations qui se poursuivaient dans les zones libérées contre les groupes extrémistes et autoritaires tels que Daesh, al-Nosra et Ahrar al-Sham ont été ignorées. Les Syriens sont vus comme incapables d’adopter un large éventail de points de vue variés. Activistes de la société civile (dont des femmes incroyables), journalistes citoyens et travailleurs humanitaires sont insignifiants. Toute l’opposition est réduite à ses éléments les plus autoritaires ou perçue comme une émanation d’intérêts étrangers.

 
Cette gauche pro-fasciste semble aveugle à toute forme d’impérialisme qui ne serait pas d’origine occidentale. Cela relève d’une combinaison de politique de l’identité et d’égoïsme. Tout événement est vu via un prisme occidental – seuls les mâles blancs ont le pouvoir d’écrire l’Histoire. Selon le Pentagone, il y a actuellement 2000 soldats américains en Syrie. Les États-Unis ont installé de nombreuses bases militaires dans les zones sous contrôle kurde du nord de la Syrie pour la première fois dans l’histoire du pays. Cette présence américaine devrait préoccuper quiconque se soucie de l’autodétermination du peuple syrien mais fait pâle figure au regard des dizaines de milliers de soldats iraniens et de milices chiites soutenues par l’Iran qui occupent le reste du pays ou des bombardements meurtriers de l’aviation russe en soutien à la dictature fasciste. La Russie dispose dorénavant de bases permanentes dans le pays et a obtenu un droit exclusif sur les hydrocarbures syriens en échange de son soutien. Noam Chomsky a affirmé qu’on ne pouvait pas qualifier l’intervention russe d’impérialiste dans la mesure où elle répondrait à l’invitation du régime. Selon cette analyse, l’intervention américaine au Vietnam n’était donc pas non plus impérialiste puisque sollicitée par le gouvernement sud-vietnamien.

De nombreuses organisations anti-guerre ont justifié leur silence vis-à-vis des interventions russes et iraniennes en affirmant que « l’ennemi principal est à la maison ». Cela les dispense d’effectuer une analyse sérieuse des rapports de force afin de déterminer les acteurs principaux engagés dans cette guerre. Pour les syriens, l’ennemi principal est effectivement à la maison. Assad mène ce que l’ONU a qualifié de « guerre d’extermination ». Sans avoir conscience de leurs propres contradictions, plusieurs de ces voix anti-impérialistes se sont exprimées à juste titre contre la répression israélienne lors de la marche pacifique à Gaza(3). Une des caractéristiques du fonctionnement de l’impérialisme consiste bien sûr à nier les voix indigènes. Dans la même veine, les organisations de la gauche anti-guerre tiennent des conférences sur la Syrie sans inviter d’orateurs syriens. Cliquer ici


Leila écrivait ceci il y a 3 ans

 Comme ailleurs dans la région, la contre-révolution était très forte. Assad a utilisé des missiles balistiques, des armes chimiques et des bombes de baril, ciblant principalement la population civile dans les zones libérées. Au début de 2015, plus de 210 000 personnes ont été tuées, et quatre fois ce nombre blessées. Des villes entières sont en ruines, des maisons, des hôpitaux, des écoles et des gagne-pain détruits. Plus de 150 000 personnes ont été incarcérées dans les geôles d’Assad, principalement des militants civils qui se sont opposés pacifiquement au régime. Des milliers ont été torturé à mort. Plus de la moitié de la population ne vivent plus dans leurs propres maisons, soit déplacées à l’intérieur ou soit ayant fui le pays en tant que réfugiés. 65 pour cent de la population vit dans l’extrême pauvreté et 650 000 personnes sont piégés dans des zones assiégées (Comme le camp de réfugiés de Yarmouk pour les Palestiniens) face à la famine – partie de “mourir de faim ou se soumettre ‘la politique du régime.

Groupes totalitaires et extrémistes islamistes comme Daesh (l’État islamique) ont gagné en puissance dans le chaos et ont commencé à prendre en charge les zones libérées, ciblant les civils révolutionnaires et la milice de l’Armée libre et commettre des abus horribles et des attaques sectaires. Les gangs criminels et profiteurs de guerre ont émergé. La Syrie est devenue le champ de bataille des guerres par procuration, des rivalités entre sunnites et chiites, des interventions étrangères. Les troupes iraniennes et les milices djihadistes chiites soutenus par l’Iran occupent maintenant une partie du pays, et soutiennent le régime. Des extrémistes sunnites étrangers (y compris des colons européens) affluent à rejoindre Daesh. Voilà le prix pour demander la liberté.

Il n’y avait rien d’inévitable dans ce qui est arrivé en Syrie. Les partisans du régime depuis le début avaient clairement leurs intentions, ils les griffonnés sur les murs à travers la Syrie: “Al-Assad ou nous brûlons le pays”. Comme la Russie et l’Iran ont apporté un soutien économique et militaire illimité au régime pour écraser l’opposition, l’Armée syrienne libre démocratique a reçu très peu en termes d’armes ou de soutien. Plusieurs Islamistes ont été libérés de prison par Assad, en 2011 (ils sont allés à la tête des principales brigades islamistes) et ont reçu un soutien (financier et militaire), principalement par les États du Golfe. Ils sont venus à dominer la lutte militaire. Le sectarisme a été soigneusement entretenu par les politiques du régime et de calculs politiques, comme en envoyant les Alaouites – unités de la mort – dans les quartiers civils sunnites. Les élites politiques de l’opposition de la Syrie en exile ont été pris en otage par une influence du Golfe ou de l’occident, et de toute façon n’ont jamais eu aucune pertinence réelle sur le terrain. Le pire de tout, les révolutionnaires civils syriens ont été abandonnées, y compris par une grande partie de la gauche internationale qui les calomnié comme des insensés, des djihadistes barbares ou des agents de l’Occident. Cliquer ici

 Les forces d’opposition démocratique syriennes ont été laminées, mais cela ne signifie pas pour autant que les aspirations démocratiques ont disparu : durant les rares périodes de « calme » au cours des dernières années, on a ainsi vu de nouvelles manifestations s’organiser. L’urgence est aujourd’hui d’exiger la fin de toutes les interventions impérialistes, en refusant toute tentation campiste et en rejetant toute illusion quant à une « solution durable » incluant Assad, afin qu’un véritable cessez-le-feu puisse être obtenu. Une condition nécessaire pour envisager un meilleur avenir pour la Syrie qui, comme l’ont prouvé les nombreuses expériences autogestionnaires qui se sont développées depuis 2011, et comme le montre, malgré ses limites, le processus au Rojava, n’est pas condamnée à la fausse alternative entre régime dictatorial et intégrisme islamique. Cliquer ici

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 Aujourd’hui, [si l'on veut analyser le terrorisme dans la région, il faut commencer] par celui d’Israël et celui perpétré par la domination impérialiste occidentale dans la région. Une grande partie de ce qui s’est passé dans le monde depuis 1990 trouve son origine dans les guerres menées par les États-Unis contre l’Irak en 1991 et 2003, et l’occupation de l’Irak qui s’en est suivie. Mais il y a aussi beaucoup de régimes despotiques dans la région qui pratiquent le terrorisme d’État et attisent la même haine, créant ainsi un terreau pour des groupes comme l’EI. Dans l’ensemble, nous assistons à ce que j’ai appelé dans un livre que j’ai écrit après le 11 septembre le « choc des barbaries » (1). La barbarie du fort crée les conditions d’une contre-barbarie des faibles. C’est ce que nous avons vu – et nous le verrons encore plus, je le crains – avec la perpétuation de la barbarie des forts, celle des États-Unis d’Amérique, la plus meurtrière de toutes, ou de la Russie, ou des régimes despotiques locaux tels que la tyrannie d’Assad en Syrie, le plus barbare des gouvernements régionaux, ou la dictature de Sissi en Égypte, pour n’en nommer que deux. Cliquer ici


 La politique régionale de la République islamique est, comme celle de tous les États, dictée par ses intérêts économiques et géostratégiques. Elle n’a aucun autre but idéologique et aucun rapport avec l’anti-impérialisme ou avec le soutien au peuple palestinien. Les droits des minorités nationales, la mollahrchie n’en a que faire. Le meilleur exemple étant l’état de guerre permanent que la République islamique impose dans les régions kurdes d’Iran. L’ambition du régime bourgeois-clérical de Téhéran est d’ordre capitalistique. Cliquer ici

 Au moment où Trump dénonce l'accord nucléaire avec l'Iran, décision immédiatement  suivie de bombardements israéliens contre les forces iraniennes installées en Syrie...bien retenir ceci

"Sur le fond, la Syrie n’est pas un pays convoité par les États-Unis. Washington n’a pas cherché à bouter la Russie hors de Syrie, même dans la période de la plus grande faiblesse russe dans la foulée de l’effondrement de l’Union soviétique. C’est que la Syrie ne jouit pas de ressources importantes et le régime Assad a joué à plusieurs reprises un rôle tout à fait utile pour Washington : en 1976, il est intervenu au Liban contre l’OLP et ses alliés de la gauche libanaise ; par la suite, il s’est confronté plusieurs fois aux Palestiniens du Liban ; en 1990, il a pris part à la guerre contre l’Irak au sein de la coalition menée par les États-Unis. 

Le seul vrai problème pour Washington, et plus encore pour l’administration Trump, est celui de la présence iranienne en Syrie. C’est leur souci majeur, et c’est ce qui dicte le comportement des États-Unis aujourd’hui dans la région. 

L’administration Trump a réaffirmé son soutien au droit d’Israël à attaquer tout ce qui pourrait menacer sa sécurité. C’est un principe intangible de la politique américaine quel que soit le président – Barack Obama aussi bien que Donald Trump. Dans ce cas particulier, le soutien à Israël est d’autant plus fort qu’il s’agit d’un affrontement avec l’Iran. Israël a visé des objectifs liés à l’Iran, ce qui ne peut que recevoir la bénédiction de Washington. Il est toutefois intéressant de constater qu’Israël agit également avec le feu vert russe. La Syrie est hérissée de batteries de missiles anti-aériens installés par Moscou pour parer à toute éventualité. Ces missiles n’ont pas une seule fois été utilisés contre l’aviation israélienne, qui frappe régulièrement des objectifs liés à l’Iran sur le sol syrien. Israël s’en prend notamment à l’acheminement d’armement au Hezbollah libanais à travers la Syrie, comme à la création de bases à proximité du Golan occupé."
(Entretien avec Gilbert Achcar en février dernier) Texte intégral

 Pour bien cerner le régime syrien




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