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Le féminisme sera antiraciste ou ne sera pas...


"Je n'accepte pas les voilées... Non, je ne suis pas raciste, je suis féministe" !


La jeune femme, qui souhaitait déposer sa candidature, mardi 12 mars, dans le magasin de lingerie situé au centre-ville de Montpellier, affirme dans une vidéo diffusée sur Twitter, et partagée plus de 190 000 fois, avoir été discriminée par la responsable. Dans un communiqué pubiée mercredi soir, la direction d'Etam a indiqué avoir "appelé la jeune femme pour s'excuser" et "mis à pied à titre conservatoire" la responsable. Cliquer ici

 L'honneur du féminisme

"Gage de liberté de conscience et d’exercer ou pas un culte, la laïcité ne doit en aucun cas être prétexte à exclure des femmes, des filles, des minorités."

 Depuis plus de soixante ans, le Planning familial revendique et lutte pour l’égalité, l’émancipation, la liberté de choix pour toutes et tous. Association laïque depuis sa création, Le Planning s’est prononcé contre la remise en cause de la loi de 1905 et revendique le sens libérateur de la laïcité. Gage de liberté de conscience et d’exercer ou pas un culte, la laïcité ne doit en aucun cas être prétexte à exclure des femmes, des filles, des minorités.

[…] Nous n’avons jamais accepté que nos militant.e.s bénévoles et salarié.e.s fassent du prosélytisme, mais nous ne les avons jamais obligées à faire preuve de neutralité notamment dans leur façon de s’habiller. Les convictions religieuses que peuvent avoir certain.e.s ou l’absence de conviction religieuse qu’ont d’autres, n’engagent que celles et ceux qui les expriment et en aucun cas le Planning Familial.

Pour cette position très claire sur la laïcité, le Planning Familial est trop souvent la cible pour tou-te-s ceux-elles qui ne peuvent concevoir que toutes les femmes soient libres de leurs choix. Il ne s’agit pas de penser pour les femmes, mais avec elles et de s’opposer avec elles à ceux et celles qui les en empêchent - intégrismes religieux, courants anti-choix, masculinistes, – mais aussi qui s’arrogent le monopole de la pensée des valeurs universelles.

[…] Parce que le sexisme ne sera pas vaincu sans combats simultanés contre l’exploitation capitaliste, contre le racisme, contre les obscurantismes en tous genres, le Planning poursuivra ce travail et cette lutte pour l’autonomie de toutes et tous et pour défendre la laïcité : il n’y a pas d’alternative au vivre ensemble ! Cliquer ici

A propos du racisme par la "laïcité"

"La laïcité a  sans nul doute constitué la pièce centrale du dispositif islamophobe. Remodelée à partir des années 1990 et surtout dans les années 2000, détournée de son sens originel, "falsifiée", elle n'a cessé depuis de fonctionner comme un opérateur de racialisation. Elle est en effet de plus en plus considérée, non comme un principe juridique fondamental garantissant la liberté de conscience et de culte ainsi que l'égalité des citoyens devant l'Etat, mais comme un impératif de neutralité religieuse s'appliquant à tous et en toute occasion (non aux seuls agents de l'Etat dans l'exercice de leur activité, comme c'était le cas antérieurement ) et comme un élément central de l'identité nationale française, voire, d'une manière plus audacieuse encore, de la "civilisation judéo-chrétienne". De ce fait, toute pratique considérée comme "contraire à la laïcité" - c'est-à-dire contraire à cette "nouvelle laïcité" qui s'est imposée avec la loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux dans les écoles françaises - sera perçue comme manifestant un défaut ou un refus d'intégration, voire une tentative "communautariste" de saper les fondements de la République en imposant des valeurs qui seraient contraires à celles de la France. Elle justifiera ainsi, si l'on ose le mot,  une excommunication nationale-républicaine. En stigmatisant toujours davantage les musulmans, les élites ont ainsi construit un "problème musulman" sous couvert de le résoudre."

Ugo Palheta, La possibilité du fascisme. France, la trajectoire du désastre (La Découverte, 2018, pp 152-153)

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Ne nous voilons pas la face...

La non-domination justifie le rejet de l’imposition par l’État du port du hijab. Mais elle permet aussi de justifier la position inverse : la non-domination implique que l’État ne peut « émanciper » autoritairement des femmes qui portent librement le hijab au nom d’un « idéal de citoyenneté républicaine ». Ce principe s’oppose à la tendance républicaine française qui assigne aux individus une identité uniforme au nom de la « volonté générale ». Cliquer ici

Pour que le féminisme reste émancipateur face aux tentatives liberticides de l'instrumentaliser contre des femmes (et des hommes)...




Il n'y a aucune homogénéité dans les destins des femmes, qui ne se définissent pas seulement par leur genre, mais aussi par leur statut social, leur assignation raciale, leur origine culturelle, leur pouvoir économique.

Il faut donc s'extraire d'une simple problématique de genre et s'attaquer à ces questions si l'on veut vraiment lutter pour l'égalité : il s'agit pour les auteures anglophones Cinzia Arruzza, Tithi Bhattacharya et Nancy Fraser, comme pour la Française Françoise Vergès, de combattre le capitalisme et sa logique raciste, ce qui suppose de rompre avec un certain féminisme.

[…] Les auteures de Féminisme pour les 99 % appartiennent à des générations différentes, mais toutes les trois se définissent comme des féministes marxistes.

[…] Ces auteures désignent comme ennemis non seulement le capitalisme, mais aussi le féminisme qu'elles appellent « libéral », élitiste, individualiste, devenu un instrument d'oppression d'autres femmes – noires, musulmanes, migrantes, en les sommant de s'assimiler à la culture dominante. 

Ce second aspect constitue le point d'attaque d'Un féminisme décolonial, de Françoise Vergès, qui paraît à La Fabrique : « Le retournement qui fait du féminisme longtemps décrié par les idéologies de droite un de leurs fers de lance mérite d'être analysé. Comment les droits des femmes sont-ils devenus une des cartes maîtresses de l’État et de l'impérialisme, un des derniers recours du néolibéralisme, et le fer de lance de la mission civilisatrice féministe blanche et bourgeoise ? » La réponse à cette question tient dans l'histoire du féminisme lui-même, selon Françoise Vergès, qui se demande « comment et pourquoi le féminisme aurait-il échappé à ce que des siècles de domination et de suprématie blanches ont diffusé ? ».

Joyeuse rage 

Le livre de Françoise Vergès appuie là où ça fait mal : les impensés du féminisme, de ce qu'elle appelle « la bonne conscience blanche ». Pour le lecteur qui serait tenté de trouver qu'elle force la charge quand elle formule ces questions de manière théorique et générale, Françoise Vergès évoque des cas concrets, et le problème apparaît aussitôt dans toute son acuité : la politique de stérilisation forcée des femmes menée à La Réunion dans les années 1970, à laquelle elle a consacré un livre (Le Ventre des femmes, Albin Michel, 2017), et qui ne peut être imputée à la seule cupidité de quelques médecins blancs, mais qui doit plutôt être attribuée à une politique d’État antinataliste pour les femmes racisées. 

Elle montre aussi combien un « féminisme civilisationnel » a pu servir une politique coloniale ou néocoloniale, et ce encore de nos jours ; ou enfin le statut des employés de l'industrie du ménage aujourd'hui en France. Les quelques pages du livre sur les stratégies de communication de la société de nettoyage Onet pour effacer la visibilité des femmes racisées, qui constituent pourtant sa main-d’œuvre principale, sont assez sidérantes. 

Bref, pour les auteures de ces deux essais, pas de salut hors de l'intersectionnalité des luttes, voire de l’« analyse multidimensionnelle » de l'oppression, qui « refuse de découper race, sexualité et classe en catégories qui s'excluraient mutuellement », comme l'explique Françoise Vergès. 

Les auteures de Féminisme pour les 99 % soulignent que cela implique aussi de s'opposer à ceux qui « à gauche, ressassent inlassablement la vieille formule selon laquelle la “classe”, homogène et abstraite, est ce qui nous unit tandis que le féminisme et l'antiracisme ne peuvent que nous diviser ». Il est donc temps pour les féministes de s'allier « avec les antiracistes, les écologistes, les militantes pour les droits des travailleurs, des travailleuses, et des migrantes », ce qui suppose de surmonter l'opposition tenace entre « politique minoritaire » et « politique de classe ». 

Nancy Fraser l'explique à Mediapart : « Il est évident que la lutte pour les femmes ne peut pas être coupée des autres luttes : un mouvement féministe qui ne ferait pas le lien avec les questions de race, de classe, serait une erreur absolue. Il faut avoir un point de vue étendu : les problèmes qui touchent les femmes ne doivent pas être isolés des autres ; les inégalités hommes/femmes, les phénomènes d'oppression raciale ne peuvent pas être déconnectés des questions de classe. » 

On peut avoir des désaccords avec certaines convictions défendues par les auteures de ces deux essais : si lier capitalisme et oppression des femmes paraît fondamental, coupler strictement questions de genre et questions de classe conduit à négliger le fait que cette oppression n'est pas seulement le fait du capitalisme – ce que les auteures du Féminisme pour les 99 % rappellent du reste, mais dont elles ne traitent guère, par crainte sans doute de retomber dans des arguments culturalistes hautement problématiques. On peut aussi être agacé par la lecture trop schématique que Françoise Vergès donne d'un certain féminisme, lorsqu'elle se penche sur l'histoire du MLF : dans le but délibéré de sortir d'un statut de marginalité politique, il se serait agi de remplacer (mais qui y a-t-il donc derrière ce « il » impersonnel ?) l'adversaire du féminisme désigné dans les années militantes, c'est-à-dire « le patriarcat blanc, l’État et le capital », par l’islam. 

Reste que, comme elle le souligne elle-même, Françoise Vergès n'écrit pas tant pour solder des comptes que pour en appeler à un travail d'écriture et de réappropriation du passé, et pour « renouer avec la puissance imaginaire du féminisme ». 

Féminisme pour les 99 % est aussi un manifeste pour l'avenir. On peut penser qu'il produira des effets : le livre a l'immense mérite de sa clarté, et de son efficacité – d'autant que la traduction française est limpide : il s'efforce de rendre lisible et intelligible au plus grand nombre la repolitisation en cours des luttes féministes.

[…] La sororité pour laquelle plaide Delaume n'est pas advenue, elle est à venir : « Le terme sororité implique l'horizontal, ce n'est pas un décalque du patriarcat. L'état de sœur neutralise l'idée de domination, de hiérarchie, de pyramide. » Le risque, avec la sororité, c'est de prétendre effacer les différences, soulignent les auteures d’Un féminisme décolonial et de Féminisme pour les 99 %. Mais Chloé Delaume le sait bien, elle qui souligne : « En fait, hormis mon père, mes pires humiliations et mes plus grandes douleurs, ce ne sont pas des hommes qui me les ont infligées. » 

Au-delà de leurs divergences, ces livres signalent que la lutte pour les droits des femmes est en train de changer de nature. Une repolitisation, c'est ce que vise la grève des femmes organisée le 8 mars, qui réinvestit les origines militantes de cette journée, comme Nancy Fraser le rappelle à Mediapart : « La grève des femmes est un moyen de se ré-emparer de la journée du 8 mars, cette journée de la femme qui était il n'y a pas si longtemps la journée où offrir des fleurs à sa secrétaire. Alors que la célébration du 8 mars est née à l'origine de mouvements féminins socialistes et ouvriers ; il s'agissait de renouer avec cela. »  

Une nouvelle ère pour les luttes féministes s'ouvre ; Chloé Delaume l'affirme : « L'époque est historique et ma jouissance totale. »






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