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Contre les violences policières... Mais comment contre ?


 
A propos d'un appel lancé par la Mule du Pape



Suite aux violences policières du samedi 16 mai à Montpellier, les animateurs et animatrices du site la Mule du Pape ont pris l'initiative d'un texte proposé à la signature des organisations. Le texte et la liste des signataires sont à lire ci-dessous.

Nous partageons la dénonciation des violences policières, à Montpellier comme ailleurs, qui touche durement les militants du mouvement social depuis de nombreux mois, et l'impunité de la police, très rarement condamnée suite à ces violences. Nous saluons l'initiative d'un texte unitaire mais il est dommage de ne pas avoir eu de débat sur sa rédaction avec l'objectif d'un accord sur un texte commun.

Certains passages de l'appel, faisant référence au cadre légal comme garantie en matière de pratiques policières, nous apparaissent problématiques, c'est pourquoi le NPA34 ne le signera pas.

En effet, le texte dénonce des « pratiques non réglementaires » des policiers (violences disproportionnées, tirs non réglementaires), laissant entendre que des tirs réglementaires ou un usage proportionné de la violence contre les manifestants seraient acceptables. La définition d'un usage « proportionné » de la violence étant laissée à l’appréciation de la police elle-même, cette notion nous apparaît d'emblée invalidée.

Au moment où des militants écologistes, des syndicalistes, des gilets jaunes, des jeunes de quartiers populaires, paient parfois de leur vie ou de leur intégrité physique le prix de la répression, il ne nous paraît pas possible d'écrire : « les instances policière se doivent ...d'assurer le maintien de l'ordre tel qu'il est défini par la Loi, car elles assument l'emploi légitime de la force ».
Voir aussi ci-dessous le communiqué du NPA 34 émis suite aux violences policières du 16 mai.
 
L'appel lancé par le site La Mule du Pape

Communiqué

Ne laissons pas le gouvernement museler toute contestation.
Défendons la liberté d’expression.
 
Dès le 11 mai, premier jour du déconfinement, le gouvernement a donné le ton. Les Gilets jaunes du rond-point de Près d’Arènes de Montpellier, qui distribuaient des tracts en respectant les distances sanitaires et masquéEs, se sont fait expulser, verbaliser, confisquer banderole et tracts.
Et le 14 mai, même traitement punitif pour les Gilets jaunes de Gignac…
Ce samedi 16 mai, place de la Comédie à Montpellier, les militantEs de BDS en solidarité avec le peuple palestinien, avec deux drapeaux et quelques panneaux et, bien que positionnéEs en groupe de 10 et respectant les mesures de distanciation sanitaire, ont été verbaliséEs. Là aussi, leurs drapeaux ont été confisqués par la police. De quel droit ? Quel rapport avec le coronavirus ?
Dans la foulée, ce même jour, le rassemblement appelé place de Comédie a été réprimé par les forces de l’ordre. Une femme a été violemment matraquée par les gardes mobiles sous les yeux de ses enfants. Blessée à la tête, elle a été évacuée par les pompiers. En dépit du caractère pacifiste du rassemblement, sept personnes ont été arrêtées et plusieurs verbalisées.
Il s’agit bien d’une volonté politique, le prétexte sanitaire n’est qu’un alibi pour empêcher toute contestation du pouvoir en place.
Le gouvernement déconfine celles et ceux qui doivent aller travailler au mépris de leur santé, mais veut confiner nos idées, au mépris des droits fondamentaux et de la liberté d’expression. Avec Macron, entre le boulot et la maison, il n’y a plus d’espace public où exprimer sa libre opinion. Nous devons récupérer notre droit à manifester dans la rue.
Nos libertés, nos droits démocratiques sont en danger. Défendons-les ! 
Le 17 mai 2020
Quelques précisions complémentaires

Ce qui rend problématique cet appel de La Mule du Pape contre la répression et en réduit l'impact par l'impossibilité qu'il soit largement signé, c'est, comme nous le soulignons en introduction de cette page, qu'il commet un énorme faux pas politique. En venir à considérer que tout, face aux usages disproportionnés de la violence par la police, puisse être résolu par un retour à la "normale", autrement dit à des usages proportionnés de la violence en n'hésitant pas à reconnaître aux "instances policière ou préfectorale d’assurer le maintien de l’ordre tel qu’il est défini par la Loi, car elles assument l’emploi légal de la force", c'est jouer avec le feu. Ce dont profitent des pyromanes tels le ministre Gérald Darmanin qui a pu claironner pour légitimer précisément l'extrême violence policière contre les Gilets Jaunes : «Dans un État démocratique républicain, le monopole de la violence légitime, c’est celle des policiers et des gendarmes » (citation tirée de l'article ci-dessous).

L'enjeu politique, contrairement à ce que cherche à inoculer ce ministre, dans cette question de la répression c'est celle de son illégitimité et donc celle de l'illégitimité  de ce gouvernement. Une illégitimité évidente dès son avènement, liée à des résultats électoraux dont il est issu caractérisés par un très faible appui au programme du candidat devenu président (1). C'est parce que les mobilisations sociales comme celle des Gilets Jaunes ou celle du mouvement des retraites mettent tellement en évidence cette illégitimité, et l'accentuent jusqu'à la transformer en crise politique, qu'elles sont précisément la cible, avec des quartiers populaires refusant de se soumettre, de ces violences. Celles-ci sont en réalité la politique du gouvernement à l'égal de la violence sur le terrain des mesures sociales antisociales dont elles sont le corollaire nécessaire. Or, pour légitimer l'illégitime de ce double agissement politique, le pouvoir, comme on le voit avec Gérald Darmanin, a recours à l'amalgame par lequel la légitimité se confondrait avec la légalité. Postulant que la légalité était naturellement immunisée contre l'illégitimité, comme si elle n'était pas investie par elle au point que soient décrétées légales des atteintes aux libertés. La preuve par ces lois scélérates par lesquelles le macronisme, dans la lignée de ses prédécesseurs "de gauche" comme de droite, criminalise les libertés d'expression ou de réunion ... comme, au demeurant, nous le voyons en ce moment même avec une loi d'urgence sanitaire qui, arbitrairement mais sous couvert de la légitimité revendiquée par l'a priori que l'Etat serait par définition légitime, autorise que des dizaines de personnes se côtoient au supermarché ou au travail mais pas dans la rue ! Sinon direction l'hôpital (parfois le cimetière), le tribunal et/ou la prison.

En résumé, basculer dans la référence dépolitisée à la loi pour en remontrer à un gouvernement pour qui la loi, le droit, sont son bon vouloir, est une erreur politique majeure, une concession à l'intox autour des équations enchaînées loi = légitimité, violences policières = légalité = légitimité, "proportionnalité" = droit "naturel" de l'Etat "légitime" à en donner le sens sans que personne puisse apporter la preuve définitive, absolue, qu'il déroge à la Loi. Cette concession favorise un confusionnisme aberrant alors que la démarche entreprise se doit d'être de la plus grande clarté pour espérer embrayer sur une mobilisation à la hauteur du défi politique imposé par le gouvernement. Clarté de s'en tenir à réclamer que la rue reste, ou plutôt redevienne, un espace public régi par le droit de manifester, le droit d'expression, le droit de réunion... 

Pas plus, pas moins : par où l'échafaudage répressif et l'enveloppe mystifiante légaliste-légitimiste dont voudraient l'entourer Macron, Castaner et l'ensemble de la bande peuvent publiquement être mis à nu. Par où aussi, par là même, on est en mesure de réimposer dans le débat public que les lois n'adviennent ni ne trônent dans un ciel éthéré, épuré de considérants politico-politiciens, mais sont, en ces temps de capitalisme sauvage et terroriste, toujours plus illégitimes car promulguées par des illégitimes (2). Enfin, à ce stade de l'analyse, il devient plus largement compréhensible que les luttes sont le seul moyen d'obtenir des lois légitimées par le plus grand nombre, pour le plus grand nombre, respectueuses des droits humains fondamentaux. Il est dommage qu'un tel appel, si juste dans le rappel des faits, ait débouché sur une telle sortie de route politique par oubli que c'est par la défense des droits et non par l'invitation à revenir à une pseudo-normalité de l'usage de la force policière, que l'on défend les libertés. Il n'est, cela dit, jamais trop tard pour rectifier... le tir !
 
Antoine 

(1) "Au premier tour de l'élection, Emmanuel Macron a obtenu 8 656 346 voix, Marine Le Pen 7 678 491[dans un pays de 67,12 millions d'habitants]"
(Pierre Serna, L'extrême centre ou le poison français, 1789-2019, ed Champ Vallon)
 Ajoutons que Macron, ayant mobilisé au premier tour quelque 17% des votes, n'a été élu que par 42,5 % des inscrits, chiffre historiquement bas pour un vainqueur de deuxième tour présidentiel. Poussée obtenue, au demeurant, grâce au seul effet repoussoir de la candidate du FN.
 Lors de la législative qui a suivi, un mois et demi après, la présidentielle, les candidat.e.s macronien.ne.s ont obtenu moins de 15% des inscrits.  

(2) Toutes choses égales par ailleurs (en accentuant le trait historique mais remarquons que le macronisme se fait, à marches forcées, le fourrier du lepénisme et de ses satellites fascistes XXL), posons-nous cette question : les résistants à Pétain, à Pinochet et à quelques autres, se battaient-ils pour que soient respectées les lois en vigueur ?
 
 «Dans un État démocratique républicain, le monopole de la violence légitime, c’est celle des policiers et des gendarmes. » Ainsi s’exprimait, le 7 janvier dernier, Gérald Darmanin, alors qu’il venait d’être questionné, sur RTL, au sujet des nombreuses accusations de violences policières commises contre les Gilets jaunes. Au cours des six derniers mois, nombreux ont été ceux qui, du côté du gouvernement, de la majorité LREM et des éditorialistes mainstream, se sont aussi essayé à se référer – approximativement – au sociologue allemand Max Weber, en invoquant le « monopole légitime » de l’État sur la violence. Ces nombreuses tentatives de réaffirmation de « l’autorité de l’État » sont l’expression d’une double tendance : la contestation, de plus en plus forte, de la légitimité des violences perpétrées par les forces de répression ; la reconnaissance, à une échelle inédite au cours des dernières décennies, d’une (part de) légitimité aux violences commises par un mouvement social. Cliquer ici
 



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