Le NPA 34 appelle à se joindre à
la mobilisation contre le remaniement gouvernemental ce vendredi 10
juillet à 18h Place de la Comédie à Montpellier
Même si nous ne partageons pas
l’ensemble des formulations contenues dans le texte d’appel il
est évident que les nominations comme ministres de Darmanin et de
Dupont-Moretti constituent un acte de guerre contre la cause des
femmes.
Comment accepter en effet que Gérard
Darmanin, homophobe notoire, défenseur de la « Manif pour
tous » et visé dans une enquête pour viol soit nommé
Ministre de l’intérieur, ministère qui par ailleurs supervise les
policiers en charge des enquêtes.
Comment accepter que Éric
Dupond-Moretti soit nommé Garde des sceaux, lui qui n’a eu de
cesse dans ses procès d’agresser et d’accuser les femmes
victimes, les associations féministes, sans oublier qu’il est un
des pourfendeurs de Metoo.
Il ne s’agit pas de balayer d’un
revers de main la présomption d’innocence mais de comprendre
qu’elle est à géométrie variable dans une société patriarcale
et de classe
(Article d’Acrimed joint ci-dessous)
ni d’omettre que tout individu a le droit d’être défendu.
Notre colère est
grande comme celle des féministes et des femmes victimes de
violences sexistes et sexuelles. Et nous serons dans la rue pour
dénoncer cette nouvelle agression contre les femmes.
Ces ministres doivent partir …
Nous reproduisons ci-dessous un article sur la présomption d'innocence publié sur le site d'ACRIMED :
Cliquez ICI pour le lire sur son site
« Présomption
d’innocence » : selon que vous serez puissant ou
misérable…
par Acrimed, mercredi
8 juillet 2020
Cet
article est tiré du n°9 de Délibérée,
la revue du Syndicat de la magistrature, paru en mars 2020. Ce numéro
spécial « Justice & Médias : cuisines et
dépendances » a été élaboré en partenariat avec Acrimed.
Cet extrait revient sur l’une des quatre expressions étudiées
dans la rubrique « Des
mots médiatiques qui parlent de la justice » (pp.
28-34).
Présomption
d’innocence : selon que vous serez puissant ou misérable…
La
présomption d’innocence est une règle de preuve selon laquelle
toute personne soupçonnée d’avoir commis ou participé à la
commission d’une infraction, est réputée innocente tant que sa
culpabilité n’a pas été démontrée ; il appartient à
l’accusation – c’est-à-dire le procureur de la République –
de démontrer la culpabilité ; dans le jargon juridique, on dit
que c’est l’accusation qui a « la charge de la preuve »
de la culpabilité.
Il
s’agit d’un principe fondamental ancien [1] dont
découlent diverses implications concrètes destinées à garantir le
caractère équitable du procès susceptible d’intervenir :
toutes et tous, journalistes compris·es, ont ainsi interdiction de
présenter publiquement comme coupables des personnes qui n’ont pas
encore été définitivement condamnées [2] (ce
qui explique l’emploi fréquent du conditionnel pour traiter des
affaires, même si l’usage du conditionnel ne règle pas tout…) ;
les médias ont par ailleurs interdiction de publier des images de
personnes menottées [3],
ce qui pourrait donner l’impression fausse au public qu’elles
sont déjà condamnées, et donc coupables.
Pour
autant, à y bien regarder, la déclinaison de cette présomption
d’innocence et son invocation médiatique paraissent à géométrie
variable. L’invitation au respect de la présomption d’innocence
est plus fréquemment invoquée depuis quelques années dans les
médias dominants... quand les personnes concernées sont des hommes
ou des femmes des milieux politiques ou économiques, du clergé, ou
encore des stars du spectacle. Sont alors soulignés le nécessaire
respect de cette présomption et le fait que « tout le monde y
a droit ».
Ainsi,
s’agissant de l’affaire Balkany, avant le procès il nous a été
bien rappelé que l’intéressé « reste
présumé innocent »
(L’Obs,
20/01/19), et, même après condamnation en première instance, il
nous a été bien signalé, qu’en faisant appel « Patrick
Balkany redevient présumé innocent »
(Le
Parisien,
7/10/19) ; ce même phénomène de rappel expressément formulé
a pu être observé pour la mise en cause de Carlos Ghosn (Le
Monde,
24/01/19, Libération,
07/02/19 et RTL 04/04/19), et bien d’autres puissants encore. Au
pire seront évoquées des « malversations
présumées »,
mais jamais Ghosn ou Balkany ne seront présentés comme des
« fraudeurs
présumés ».
Quand
il s’agit de personnes moins connues (à plus forte raison
lorsqu’elles sont issues de la classe populaire), les attitudes
sont moins précautionneuses et peuvent même aller jusqu’à
bafouer allègrement cette présomption d’innocence, comme ce fut
le cas dans l’affaire d’Outreau [4].
Et l’on voit fleurir autant d’expressions qui énoncent une
véritable présomption de culpabilité : « Gonesse :
arrestation du voleur
présumé de
la cagnotte de Tylian » (Franceinfo,
12/03/2019) ; « Créteil : l’assassin
présuméde
Jean-Marie prétend avoir été confondu avec quelqu’un » (Le
Parisien,
24/10/2019) ; « Au Maroc les assassins
présumés de
deux touristes scandinaves jugés en appel » (Le
Monde et
AFP, 28/08/2019) ; « Rixe en Moselle : le meurtrier
présumé d’un
adolescent arrêté “sans heurts” » (L’Express,
3/08/2019) ; « Gard : les gendarmes diffusent le
portrait-robot d’un violeur
présumé »
(BFM-TV, 30/04/2019). Pour paraphraser La Fontaine, selon que vous
serez puissant ou misérable, les usages médiatiques de la
présomption d’innocence vous rendront blanc ou noir… C’est
parfois même la victime qu’on qualifie de « présumée »
quelque chose : « Pas-de-Calais : un membre du GIGN
tire sur un délinquant
présumé et
le tue lors d’une opération de filature » (Franceinfo,
18/09/2018).
Ainsi
l’utilisation médiatique du principe de présomption d’innocence
variera selon la catégorie d’infraction traitée ou de la classe
sociale du mis en cause. Ces derniers temps, s’agissant des
affaires de violences policières ou de violences sexistes ou
sexuelles entendra-t-on davantage brandir ce principe par toute
personne manifestement gênée par le sujet ; quitte d’ailleurs
à l’invoquer même lorsqu’il n’a aucun sens, comme lorsqu’elle
est invoquée au bénéfice de Roman Polanski pour des faits pour
lesquels il a été définitivement condamné ou qui sont
manifestement prescrits et pour lesquels il n’y aura jamais de
procès [5]…
La présomption d’innocence, d’une manière générale, sera vite
agitée pour tenter d’étouffer toute analyse ou réflexion menant
à interroger la norme et sa légitimité, ici l’ordre patriarcal
ou policier [6].
Mais
comment s’étonner de cet usage à géométrie très variable du
principe de présomption d’innocence, qui ne fait au fond que
reproduire et renforcer les différents rapports de domination,
lorsqu’un ministre qualifie à titre préventif de « complice »
d’actes de dégradation tout manifestant, lorsque la législation
elle-même fait la part de plus en plus belle à une pénalisation de
« l’intention coupable » avant même tout passage à
l’acte, lorsqu’enfin le Président Macron invite à « savoir
repérer à l’école, au travail, dans les lieux de culte, près de
chez soi, les relâchements, les déviations, ces petits gestes qui
signalent un éloignement avec les lois et les valeurs de la
République » ?
En instillant dans l’esprit du public une vision biaisée de ce
qu’implique réellement la présomption d’innocence, les médias
participent, plus ou moins consciemment, à l’instauration d’une
forme de société où les citoyens sont invités à en considérer
certains comme suspects perpétuels, tandis que d’autres seraient
d’emblée au-dessus de tout soupçon. Cette forme de société ne
s’appelle pas la démocratie.