Le site Rapports de force a été créé il y a trois ans par un journaliste libertaire de la région montpelliéraine. Grâce à la qualité de son travail, le site a pu se développer géographiquement et en nombre de journalistes. Pour se donner les moyens financiers de poursuivre son travail, il a fait le choix de refuser la publicité et se finance sur les dons de ses lecteurs/trices. Pour se développer, il a ouvert une page facebook qui lui a permis d'augmenter fortement le nombre de consultations. C'est un média militant, mais essentiellement informatif et non polémique qui s'est construit une bonne réputation journalistique et militante. Le site a progressé en nombre d'articles et a commencé récemment à publier chaque samedi un excellent résumé des principales informations de la semaine.
Voilà donc un site qui dérange fortement le système. Le pouvoir macronien a eu l'intention de museler la presse numérique contestataire et les réseaux sociaux par la loi Avia. Cette loi était tellement liberticide que ses dispositions majeures donnant des pouvoirs de censure exorbitants à l'administration sans approbation de la Justice ont été retoquées par le Conseil Constitutionnel. LREM* a maintenant l'intention de remettre en selle des dispositifs prétendant lutter contre les "fake news", mais il semble bien que facebook, comme c'était prévisible avec la loi Avia, anticipe cette loi en empêchant que le site soit accessible par la page facebook de Rapports de force. Il semblerait que les recours contre cette censure soient quasi impossibles.
* voir l'article Après l’assassinat de Samuel Paty, la haine sur les réseaux sociaux devient la cible prioritaire du gouvernement Au demeurant la revendication de personnalités de droite citées dans cet article de rompre avec l’anonymat est sans objet puisque cet anonymat n'existe pas vraiment.
Ci-dessous, l'article de Rapports de force sur cet épisode et le lien vers le site :
https://rapportsdeforce.fr/
Notre éviction de Facebook pourrait signer
la fin prochaine de Rapports de force
Jeudi 15 octobre, Facebook a retiré tous les articles provenant du site Rapports de force et postés sur sa plateforme depuis trois ans et demi. Sur notre page, mais également sur l’ensemble des murs des personnes ayant partagé nos productions. Depuis, impossible de publier sur Facebook quoi que ce soit, par qui que ce soit, en provenance de notre site internet, malgré nos protestations et demandes d’explications.
À qui le tour ? En 2017, aux États-Unis, des sites d’informations de
gauche voient leur visibilité volontairement réduite par Facebook,
explique le journal l’Obs,
relayant une information du Wall Street Journal. Plus près de nous, en
France en 2019, des pages Facebook de la gauche radicale subissent le
même sort, relate un article
de Mediapart. Maintenant, nous. Une nouvelle étape est franchie : à
notre connaissance, c’est la première fois qu’en France Facebook censure
l’entièreté d’un média produit par des journalistes. Et demain ? Quel
autre titre de presse ?
Une décision arbitraire autant qu’incompréhensible
C’est avec surprise que nous nous sommes rendu compte, jeudi 15
octobre en fin d’après-midi après l’alerte d’un lecteur, de la
disparition de certains de nos articles sur Facebook. Puis, nous avons
découvert qu’il s’agissait de tous nos articles. Tous avaient disparu de
la plateforme. Sans exception. De notre page, comme des murs des
centaines de milliers de personnes qui les avaient partagés en plus de
trois ans. Par contre, notre page n’a pas été bloquée. Premier message à
Facebook pour demander des comptes.
En attendant une réponse qui ne viendra pas, nous avons cherché à
comprendre. Premier constat : notre page Facebook est marquée en vert
(sans restriction ou infraction) dans la rubrique qualité des pages. Ce
n’est donc pas cela. Par contre, dans la rubrique « aide et assistance », au bouton « vos infractions », nous découvrons un message daté du jour même signalant une des publications du site. Celle, trois jours plus tôt, d’un article des plus classiques
sur la mobilisation nationale contre la répression subie par quatre
enseignant.e.s d’un lycée, à Melle dans les Deux-Sèvres. Selon la
plateforme, cette publication ne respecterait pas les standards de la communauté Facebook. Incompréhensible !
Depuis lors, de nombreux lecteurs nous ont contactés pour signaler la
disparition de leurs posts ou l’impossibilité de partager tel ou tel
article. Facebook leur indiquant alors : « le lien auquel vous avez tenté d’accéder est contraire aux standards de la communauté ».
C’est donc le site Rapports de force qui devient tout entier un contenu
indésirable et n’a plus sa place sur la plateforme. Une mesure « bombe atomique
» s’il s’agissait en réalité d’un seul article qui, selon eux,
contrevenait à leurs standards. Nous leur avons envoyé 5 messages et les
avons interpellés à trois reprises via Twitter. En vain à ce jour.
Facebook ne répond pas.
Une menace sur notre existence
Une telle censure pourrait avoir de lourdes conséquences si elle
s’éternisait. À ce jour, Facebook représente à lui seul plus de la
moitié de la provenance des visites vers Rapports de force. Pour
éclairer le propos, voici quelques données chiffrées. Sur les 815 000
personnes qui sont venues nous lire depuis le début de l’année, 481 000
avaient d’abord vu la publication sur Facebook. Trois à quatre fois plus
que l’ensemble des visites directes sur le site ou celles en provenance
des moteurs de recherche. À titre de comparaison, celles issues de
Twitter n’étaient que 20 000 sur la même période. Une goutte d’eau
comparativement. Quant aux venues spontanées sur la page d’accueil pour
s’informer des dernières publications, soit directement soit après avoir
lu un article, elles ne représentent que 32 000 personnes depuis le 1er
janvier.
Tout cela pour expliciter qu’en étant amputée du trafic provenant de
Facebook, notre audience reculera très fortement. Probablement jusqu’à
son niveau du premier semestre 2019. Mais c’est également la progression
que nous connaissons depuis plus de trois ans qui marquera un coup
d’arrêt durable. On peut le regretter, le déplorer ou le critiquer, mais
depuis notre création, la diffusion sur Facebook a été le principal
vecteur par lequel nous avons réussi à nous faire connaître en gagnant,
mois après mois, de nouvelles lectrices et nouveaux lecteurs. C’est de
cette façon que nous sommes passés de quelques milliers à quelques
dizaines de milliers de lecteurs entre nos débuts et aujourd’hui. Et
même plus d’une centaine de milliers certains mois. Les recherches
d’alternatives, quelles qu’elles soient, s’avèrent complexes en cela
qu’elles se heurtent aux usages des internautes dans leur consommation
d’informations.
Cet arrêt brutal du développement de notre audience aura aussi un
effet délétère sur la progression des dons à notre journal. Or nous
avions fait le choix en 2017 d’un média sans publicités, sans
actionnaires, et non payant. Cela pour permettre au plus grand nombre un
accès libre à ses contenus. Pour rémunérer notre travail et développer
la rédaction, nous avions fait le pari un peu fou de compter sur les
dons volontaires de ses lecteurs. Et donc d’accepter finalement de ne
pas ou de mal se payer pendant plusieurs années pour la réalisation de
Rapports de force.
Dans cette perspective de vivre des dons des lecteurs, notre seule
option est de construire une audience la plus large possible pour
obtenir des contributions financières plus nombreuses. Là aussi, notre
microscopique budget double tous les ans, parallèlement à la progression
de notre audience. Sans pour autant atteindre l’objectif de nous
rémunérer autrement qu’à la marge pour le moment. En parvenant à
maintenir la même progression que ces trois dernières années, nous
pouvions imaginer trouver une viabilité financière à l’horizon 2022. Ce
qui signifiait : bricoler encore deux années, en plus des trois années
dernières nous. Mais si au lieu de progresser, notre audience et notre
visibilité reculent, à minima, nous pouvons projeter que la progression
des dons se tarisse. Sans elle, l’abnégation et les sacrifices
trouveront leurs limites. Et la possibilité d’un média sur les
mouvements sociaux réalisés par des journalistes professionnels avec.
La presse indépendante reste un sport de combat
Pour autant, même si nous vous alertons dès maintenant des
conséquences à moyen et long terme de cette situation, nous n’allons pas
baisser les bras. Nous étudions toutes les possibilités que nous
pourrions mettre en œuvre pour contrecarrer la décision de Facebook de
nous bannir de sa plateforme. Une mobilisation de la profession sur les
dangers pour la liberté de la presse que fait peser une telle situation,
une campagne des lecteurs, des démarches en justice : nous n’excluons
rien. Bien sûr, nous vous tiendrons informés de tout cela et vous
solliciterons au besoin.
En attendant, nous allons tenter de continuer à faire notre travail, à
vous informer, même s’il faut bien l’admettre : cette histoire nous
fait perdre beaucoup de temps et nous limite dans nos capacités à
traiter l’actualité comme nous le voudrions. D’ores et déjà, nous allons
être obligés de différer de quelques jours ou de quelques semaines une
campagne de dons que nous projetions de démarrer le 2 novembre et de
faire vivre sur les réseaux sociaux jusqu’en décembre. Un premier effet
immédiat et très concret.