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Election au Venezuela. Pour une approche de gauche solidaire et critique du processus bolivarien

   



Vidéo à la suite de l'article ci-dessous : rencontre avec Patrick  Guillaudat  ....................................................................................>
Le défi

Le danger immédiat réside dans la droite chaviste qui interprètera la faible marge de votes qui permet de continuer à gouverner comme un signal incitant à freiner le rythme du processus et à négocier avec l’opposition en lui faisant des concessions.
Guillermo Almeyra *

Nicolás Maduro se donnait pour objectif de récupérer les votes d’Hugo Chávez et même de les dépasser en parvenant à 10 millions, mais il n’en a obtenu que 7.505.338, perdant 600 mille suffrages par rapport à la dernière élection de Chávez et ne gagnant qu’avec une avance de 300 mille votes, obtenant 50.6% contre 49.07 pour Capriles [le candidat de la droite]. L’abstention n’a que faiblement progressé, passant de 20 à 22%, ce qui démontre que la majorité des votes perdus par Maduro ont directement passé à l’opposition qui, imitant Chávez et disputant son héritage, a réussi à entrainer un secteur de la classe moyenne auparavant chaviste et même certains secteurs ouvriers.

La campagne du camp chaviste a été très pauvre : grand déploiement de rhétorique nationaliste que Capriles neutralisait en se drapant de la figure de Bolivar et du drapeau, aucune idée sur l’approfondissement du processus social, et encore moins, sur le socialisme, appels répétés à la loyauté (dirigés en partie à la lutte interne au sein de l’appareil d’Etat). Aucun encouragement à l’initiative et à l’auto-organisation populaire, silence sur les organismes de pouvoir populaire et un mélange de religiosité et de mysticisme (le fameux oiseau). Celle de Capriles, insidieuse et faite de mensonges, a été plus habile par son insistance à différencier Chávez de ses successeurs et à attaquer ces derniers en mentionnant continuellement les privilèges, la corruption et les affaires de la boli-bourgeoisie [bourgeoisie bolivarienne incrustée dans l'appareil d'Etat] et en gardant le silence sur ses propres plans et ses liens avec l’impérialisme. Les votes chavistes qu’il a gagnés et les voix perdues de ceux qui se sont abstenus ne représentent en rien un vote porteur d’espoir mais une protestation face à l’inflation de 20% qui dévore les salaires et les effets négatifs de la dévaluation sur les secteurs populaires. Protestation également contre la délinquance, la violence, la corruption et, comme nous l’avons vu lors des funérailles de Chávez quand ceux qui allaient à la chapelle ardente obligèrent les ministres à descendre de leurs luxueuses voitures et à marcher avec eux, contre les privilèges de nombreux fonctionnaires.


Capriles demande avec insistance un recomptage des votes malgré le fait que le vol des bulletins électoraux soit impossible au Venezuela. Le gouvernement des États-Unis qui garda le silence devant les scandaleuses manipulations électorales de1988 et 2006 (au Mexique, ndtr.) seconde Capriles et prépare un coup d’État déguisé en campagne démocratique et moralisante. Washington et la droite anti chaviste tissent maintenant leurs liens avec la droite du chavisme et avec le secteur le plus conservateur des forces armées. L’étape suivante sera d’impulser une campagne qui combinera sabotage, fuite de capitaux, campagnes de presse, lock-out patronaux, manifestations étudiantes cherchant à provoquer des victimes et tentatives de corruption de personnalités civiles et militaires dans les milieux officiels.


Le danger immédiat réside donc dans la droite chaviste qui interprétera la faible marge de votes qui permit au chavisme de continuer à gouverner comme un signal incitant à freiner le rythme du processus et à négocier avec l’opposition en lui faisant des concessions.


Cependant si les 1.600 entreprises expropriées fonctionnent mal, il ne faut pas les privatiser à nouveau mais, au contraire, les administrer correctement et sous le contrôle des travailleurs. Si les organismes de pouvoir populaire ne fonctionnent qu’à moitié, il ne faut pas les éliminer : il faut, au contraire, cesser de les contrôler depuis l’appareil d’Etat et de les asphyxier et leur donner plus de responsabilités. Si la délinquance est importante, qu’elle soit contrôlée et combattue par tous les moyens nécessaires par l’organisation dans les quartiers et pas par une police corrompue et corruptible. Les droits démocratiques sont assurés par le référendum révocatoire, mais pour donner une issue positive au mécontentement, et pour freiner le « golpisme » [recours au "golpe", le coup d'Etat] prétendument « démocratique », il faut l’étendre à toutes les fonctions publiques. Au lieu d’interdire les grèves et de réprimer les syndicats et les travailleurs, il faut discuter avec eux sur un pied d’égalité. Au lieu de transformer le socialisme en rhétorique de propagande vide de sens, il faut discuter publiquement, avec tous et sans aucune restriction, des mesures à prendre pour aider à sa réalisation, des moyens d'éviter la bureaucratie et la corruption, avec la participation consciente et organisée des ouvriers, des étudiants et des intellectuels. Plutôt que d’embellir la réalité, il faut repérer à temps les difficultés pour les corriger. En lieu et place du paternalisme et de la loyauté, il faut laisser la place à l’initiative, à la créativité, à l’innovation, à la critique et à la construction de la citoyenneté.


Maduro a promis des augmentations massives et immédiates de salaire et’il devra tenir cette promesse sous peine de payer un lourd prix politique. Mais avec une très forte inflation et une pénurie d’aliments et de produits divers, un marché noir, une réduction des salaires réels, ces augmentations ne feront au mieux que compenser en partie la perte du pouvoir d’achat. Le Venezuela ne peut pas exclusivement dépendre du prix du pétrole : il doit produire et augmenter sa productivité. Il faut appliquer les mesures qui permettent d’en finir avec l’inefficacité ou la corruption au sein des appareils administratifs qui favorisent les grands importateurs et il faut former de toute urgence de jeunes administrateurs et des techniciens efficaces et innovateurs. 

Il est également nécessaire d’apprendre du passé et, au lieu de se laisser guider par une image déformée et mythique de l’expérience péroniste, comprendre sérieusement pourquoi Péron a conduit au cours des années cinquante l’économie argentine dans un cul-de-sac avant d’être renversé et pourquoi il a reconduit cette politique néfaste au cours des années soixante-dix ouvrant la porte à une féroce dictature de droite. Il est fondamental que l’histoire latino-américaine et celle du socialisme se discutent sans entraves ni limites car, si on n'apprend pas du passé, il est impossible de préparer le futur. Face à la presse « golpiste » il faut stimuler la création d’une presse de gauche, des syndicats, des partis et des organisations : si elle critique certaines mesures du gouvernement, cela permettra de les corriger si cela est nécessaire ou, au contraire, de convaincre les critiques qu’ils se trompent. En un mot, pour réduire l’influence du « golpisme » en marche et le battre, il n’y a pas d’autre voie que de faire appel aux travailleurs et d’approfondir le processus. 

 
 * Écrivain et journaliste d’opinion au quotidien La Jornada au Mexique.


(Traduction, Héctor Márquez)


http://www.prt.org.mx/node/348


 A lire aussi
  
Extrait : Aidé par les pays impérialistes, Capriles est décidé à radicaliser l’opposition contre la légitimité de la victoire de Maduro. Le seul moyen de contrer cette politique est de s’adresser à la majorité sociale du pays qui a besoin de l’élargissement des conquêtes sociales, d’une amélioration des services publics, d’un approfondissement de la démocratie politique mais aussi des formes de pouvoir populaire dans les villes, les entreprises et à l’intérieur du pays. L’approfondissement de la participation populaire au processus signifierait un transfert immédiat de pouvoir réel vers les conseils communaux, en leur donnant les moyens de décider. 

La mise en œuvre d’une politique économique anticapitaliste passerait alors par des mesures immédiates comme socialiser les banques dans un grand pôle public, organiser un audit sur la question de la dette externe, imposer le contrôle ouvrier dans toutes les entreprises, etc. Enfin, il est indispensable de définir enfin le « Nouveau Modèle Productif » dont parle le gouvernement. 

Pour y parvenir, le combat contre la bureaucratie et la bourgeoisie, qu’elles soient « classique » ou « bolivarienne », devient central. Au sein du PSUV, mais aussi à l’extérieur, des milliers de militants et participants aux luttes et aux mouvements sociaux sont disponibles. L’enjeu des mois à venir sera de les regrouper de manière autonome.

Dans un tel processus ouvert de changement social, le NPA ne peut rester indifférent. Nous nous opposons à tous ceux qui veulent revenir en arrière et détruire les conquêtes arrachées depuis 1999. En France, cela signifie notamment combattre la désinformation organisée par les médias et toutes les velléités des pays impérialistes pour imposer un retour en arrière.
 

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