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L'écologie au temps des soviets...


 Plus complexe que "Le communisme, c'est les Soviets plus l'électricité." (Lénine)

 La jeune Russie des soviets, née en octobre 1917, a bénéficié d’une double tradition écologiste. Celle d’une partie de l’intelligentsia acquise aux thèses naturalistes et celle des courants marxistes non voués au culte des forces productives. La Russie des soviets développa d’abord trois disciplines écologiques : la phytosociologie, discipline scientifique née avant la Révolution envisageant les différentes espèces végétales dans leur coexistence (la permaculture actuelle en est donc une lointaine descendante) ; la biocénologie, qui est l’étude de la communauté des espèces vivantes, ou biotope ; la dynamique trophique, qui étudie les flux d’énergie dans les chaînes alimentaires. Vladimir Vernadski (1863-1945), considéré comme le père de l’écologie, sera l’inventeur du concept de biosphère qui pense la Terre comme un « organisme vivant » et non plus comme une matière inerte à la disposition des humains et de leur activité économique. T.I. Baranoff a développé, dès 1925, la notion de bioéconomie reprise, plus tard, par Nicholas Georgescu-Roegan, considéré comme le père des courants de la décroissance. Cliquer ici

A propos de ce texte


Cet article de janvier, mis dans le flux FB de ce jour, intéressant en lui-même, a amené notre camarade Daniel Tanuro à préciser ceci : 

Pas lu le bouquin [celui de Paul Ariès, l'auteur de cet article, Les rêves de la jeune Russie des soviets, une histoire antiproductiviste de l’URSS] mais le titre pêche en tout cas par anachronisme. L'écologie scientifique russe était à l'avant-garde avant la révolution, mais les bolcheviques n'y étaient pour rien et ne s'y intéressaient guère (ils avaient d'autres chats à fouetter). Vernadsky était d'ailleurs un des fondateurs du parti "cadet".

 Ce qui est vrai, c'est que des mesures importantes ont été prises dans le domaine de la conservation des "monuments de la nature", comme on disait. Lénine a joué un rôle clé à cet égard, notamment en confiant cette politique au commissariat à l'éducation et pas au commissariat à l'agriculture, dont il redoutait le productivisme court-termiste. Mais le fait que Lénine ait fait ce choix pour cette raison signifie précisément qu'on ne peut pas dire que "la jeune URSS était écologiste" - c'est à mon avis une simplification outrancière.   

Du coup, il est par trop simplificateur également d'expliquer la suite (Tchernobyl, la mer d'Aral etc) par le "tournant anti -écologiste" de Staline. Je suis un anti -stalinien convaincu mais force est, je pense, de reconnaître que Staline, dans ce domaine, a radicalise une vision instrumentaliste de la nature et des conceptions productivistes qui étaient probablement majoritaires parmi les bolcheviks. 

Le fait suivant me semble significatif: quoique son épouse Natalia Sedova ait joué un rôle actif dans la mise en oeuvre de la politique conservationniste du commissariat à l'éducation (ce point est souligné par Tchanayov dans "l'économie paysanne"), Trotsky était bien loin de la sensibilité de Lénine sur l'importance des "zapovedniki" (les réserves intégrales dans lesquelles les scientifiques voulaient étudier la productivité naturelle des biocenoses, notamment). "L'homme socialiste déplacera les montagnes, détournera les fleuves, enfermera les mers", écrivit notamment Trotsky . Que le principal opposant à Staline ait eu de telles conceptions en dit long...  

Ce qui est vrai - et là réside LE tournant stalinien en la matière- c'est que Staline, outre qu'il limogea Lounatcharsky du commissariat à l'éducation et tenta de démanteler les zapovedniki, mit fin radicalement à la liberté de recherche dont l'école russe d'écologie avait bénéficié depuis 1917 (comme les chercheurs d'autres disciplines d'ailleurs). De très grands noms de cette école furent durement réprimés parce qu'ils dénonçaient la collectivisation forcée, puis parce qu'ils s'opposaient aux élucubrations de Lyssenko (le cas du généticien et botaniste Vavilov, mort en prison).  

Le grand spécialiste de l'écologie soviétique et russe Douglas Wiener a épluché tout cela en détails dans son livre "Models of Nature". Dans un autre ouvrage (A little corner of freedom) Il remarque néanmoins que le mouvement conservationniste de base a été relativement épargné par la répression).  

 
 Au risque de paraître vraiment iconoclaste, j'ajouterais ceci: l'opposition à Staline dénonça la collectivisation de l'agriculture parce qu'elle était forcée et imposée avec une brutalité impitoyable; mais les écologistes la dénonçaient en plus en tant que telle, pour ses impacts sur la biodiversité et sur la productivité des sols et des écosystèmes à long terme. Leur point de vue était selon moi plus cohérent avec celui de Marx, qui écrivait dans Le Capital que la terre ne pouvait être exploitée rationnellement que par le paysan individuel ou par la communauté (ce qui est tout autre chose que l'étatisation par les kolkhozes). 

Daniel Tanuro



Du même Daniel Tanuro
 



 Pourquoi leurs préoccupations environnementales ont-elles trouvé si peu de relais par la suite ? La victoire de la révolution dans un pays de la périphérie – combinant les exigences de ce qui était appelé « rattrapage » et les possibilités nouvelles d'une politique centralisée à visée de transformation radicale - a certainement été pour beaucoup dans les monstrueux dégâts du productivisme staliniens. Cependant, il serait erroné de tout rapporter à la stalinisation de l'URSS : l'enthousiasme sur la possibilité que la science soit mise au service de transformations progressistes n'a sans doute pas été pour rien dans l'optimisme technico-scientifique sans limites - assez éloigné de la prudence de Marx - exprimé notamment par Léon Trotsky. Il est important d'y revenir. Cliquer ici



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