Sous l'invocation de la République, "le cynisme des épargnés et des installés"
C’est vrai, l’approche décoloniale utilise le mot « racisé ». Le concept
de « racisation » a été forgé il y a déjà bien longtemps, en 1972, par
la sociologue Colette Guillaumin. Dans le sillage de Frantz Fanon, elle
analysait les processus d’infériorisation et de stigmatisation touchant
les personnes non blanches dans les sociétés occidentales. Elle
insistait alors, de manière décisive, sur le fait que la « race » n’a
aucune valeur scientifique, aucun soubassement biologique, aucun
fondement » naturel. Mais, soulignait-elle avec force, « c’est très
exactement la réalité de la “race’’. Cela n’existe pas. Cela pourtant
produit des morts ». Depuis lors, le mot « racisé » s’est imposé, par la
mobilisation des premières et premiers concerné.es. Il ne désigne en
rien une essence ou une identité, mais bien une expérience : un rapport
social. Cette année, il vient d’ailleurs d’être consacré par le
dictionnaire Le Robert. Encore un coup d’entristes, diront peut-être les pétitionnaires.
Mais laissons-leur la pensée de cabale. Le plus crucial est que le
concept continue d’être discuté, travaillé et sans cesse remis sur le
métier. Il n’a rien de figé : certaines et certains, au sein des
courants décoloniaux, l’interrogent sans que jamais il s’agisse d’y
enfermer quiconque. La pensée décoloniale elle-même est de fait très
largement intersectionnelle : elle s’intéresse au croisement des
oppressions, liées à la classe sociale, au genre, aux origines… Elle
n’est pas une mesure du taux de mélanine ni un dosage de pigment. Dire
qu’elle serait « racialiste » est plus qu’une calomnie, indigne en
général et de celles/ceux qui affirment faire profession de penser en
particulier. Faut-il le rappeler : le « racialisme », théorisé par
Gobineau et Vacher de la Pouge dans la deuxième moitié du XIXe siècle,
est un racisme systémique, une idéologie de la hiérarchie, un système
haineux et destructeur, jusqu’à sa mise en œuvre nazie. Traiter ainsi la
pensée antiraciste décoloniale est une pure et simple infamie. Cliquer ici
Elle est pas racisée, elle, elle est pas... paf !
A lire aussi (et à débattre)
Le racisme post-colonial n’est donc pas une simple survivance du passé.
Il s’agit au contraire d’une production permanente et systémique de
notre société, les représentations héritées du passé étant reformulées
et réinvesties au service d’intérêts contemporains. C’est bien notre
société qui, au présent, continue de produire des indigènes au sens
politique du terme : des « sous-citoyens », des « sujets » qui ne sont
pas étrangers au sens juridique mais ne sont pas pour autant traités
comme des Français à part entière.
Ça vient de sortir...ça vient de loin...
Infographie en bleu-blanc-rouge. Evidemment...
Garder le cap...